Les nouveaux ministères

Le 5 mars 1973, l’Assemblée des évêques du Québec tenait une session d’étude sur « Les nouveaux ministères » à la Maison des Ursulines à Loretteville. Nous vous présentons l’allocution d’ouverture prononcée par le Cardinal Maurice Roy, primat de l’Église canadienne, archevêque de Québec et président de l’Assemblée des évêques du Québec.

L’usage veut que le mot d’accueil revienne au président de l’assemblée des évêques de la province de Québec. Je m’en acquitte avec joie. Ceux qui se retrouvent habituellement à nos assemblées savent par expérience ce que nous faisons et comment nous l’accomplissons. Nos hôtes nouveaux de ce jour, qui ont été choisis avec soin, et dont la vie chrétienne honore, j’en suis sûr leurs Églises, ne trouveront, j’en ai la ferme conviction que fraternité, partage et solidarité.


Je ne crois pas me tromper en découvrant déjà dans l’assemblée étendue que nous constituons une vague considérable d’espérance, je dirais même d’enthousiasme. Il y a de la nouveauté dans l’air et des signes de printemps. Cela tient sans doute à l’importance du thème dont nous nous entretiendrons les nouveaux ministères. Des interventions importantes et des partages d’expériences significatives ont été enregistrés à ce sujet au Synode des évêques, l’an dernier. Des Églises de nombreux pays s’y sont intéressées ou engagées. L’Église du Québec peut déjà mettre sur la table une moisson de faits. Et il est hors de doute que tout ce qui va dans le sens d’une Église de participation, d’une Église plus communautaire, d’une Église plus coresponsable, va dans le sens de la nouvelle image de l’Église dont Vatican II avait ébauché le grand dessin. Et sans doute que chez nous aussi nous avons besoin de corriger certains traits de notre image traditionnelle qui, valables en d’autres temps et pour d’autres besoins, révèlent maintenant leurs limites.

Nous souhaitons donc tous que cette session soit un succès. Mais me permettez-vous d’en indiquer quelques conditions ?

L’Église est capable d’enthousiasme, et quel bonheur c’est quand elle en a à revendre ! Il se pourrait qu’en ce moment les nouveaux ministères nous apparaissent comme la nouvelle panacée, la formule universelle de rénovation de l’Église. Nous devrions donc faire un relevé exhaustif des besoins et nous mettre sans tarder à les établir. Mais attention ! Il est arrivé que même après le Concile, on ait cru trouver enfin des formules clés, quitte à s’apercevoir ensuite de leur portée sans doute valable mais aussi relative.

Nous sommes ici pour nous informer mutuellement d’expériences déjà faites de nouveaux ministères ou de réalités semblables; dans un deuxième temps, les évaluer, les interpréter, nous laisser interpeller par elles. Et enfin, penser en termes d’avenir.

Permettez-moi donc d’inaugurer la réflexion commune en en prenant l’initiative. Je ne vous poserai pas de questions, je vous révélerai seulement quelques-unes de celles que je m’adresse à moi-même :

1.    sur l’éventail de sens qui couvre le mot ministère depuis l’acception la plus large jusqu’à l’acception la plus stricte;

2.    sur le don propre que le nouveau ministère peut octroyer au sujet porteur ou à l’Église. Que va-t-il produire ?

3.    sur les critères qui permettront d’en établir l’usage; ainsi, quelle évidence spécifique ou quelle étendue de besoins seront requises ?

4.    sur les formes et modalités de l’institution elle-même : par confirmation, élection, députation, délégation, ou par quel rite ?

5.    sur les rapports à établir entre les nouveaux ministères et le ministère du prêtre, le ministère des diacres, l’apostolat laïc, et les tâches ou ministères des laïcs dans l’ordination chrétienne de la sécularité. Le prêtre se jugera-t-il confiné éventuellement à quelques gestes sacrés pour essentiels qu’ils soient ? Le diacre dira-t-il que les raisons qui ont amené l’Église à l’instituer sont les mêmes qui aujourd’hui conduiraient à trouver de nouveaux ministères ? L’apôtre laïc se sentira-t-il inutile ? Le laïc dans la sécularité estimera-t-il qu’une fois de plus on le laisse à son sort difficile pour se lancer sur des choses plus faciles ?

6.    Dernière question : celle de l’opportunité. Est-il bon de toujours officialiser tout ministère qui s’accomplit sans même se poser explicitement la question de son identité comme ministère ? On dit communément que, de nos jours, l’État cherche sans cesse à récupérer toutes les initiatives des citoyens. Aurions-nous un peu cette tentation ? Un jour, le Seigneur a comparé l’Église à un arbre. Les oiseaux peuvent donc y venir et en repartir à leur gré.

Mes questions doivent avoir des limites. Il y a la théorie, il y a la pratique. Souvent, l’Église a agi, puis elle s’est interrogée sur ce qu’elle avait fait. D’autres fois, elle a réfléchi, puis elle a agi. La plupart du temps, elle a fait l’un et l’autre en même temps. Nous possédons déjà un certain nombre d’expériences. Nous sommes à la jonction de la théorie et de la pratique, mais plus peut-être du côté de la réflexion, en ce moment, que de l’institution massive des nouveaux ministères.

Et si l’Esprit-Saint le veut, les choses que nous ferons dureront longtemps.

Bon travail à tous.

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