Dans le cadre du Synode sur la synodalité,
une série de réflexions sur l’autorité dans l’Église,
réflexions que John Wijngaards nous invite à poursuivre.
1- L’autorité? Oui mais… 2 – Le pouvoir d’annoncer le royaume de Dieu 3 – Le pouvoir des clés 4 – Le pouvoir de lier ou de délier 5 – Le pouvoir de pardonner les péchés 6 – Le pouvoir de sauver des vies 7 – Le pouvoir de chasser les démons intérieurs 8 – Le pouvoir de libération 9 – Pas de domination masculine 10 – L’autorité des enseignants 11 – L’autorité des prophètes 12 – L’autorité spirituelle latente partagée par tous 13 – L’autorité de la communauté 14 – L’autorité du « sens de la foi » catholique 15 – Une dignité commune 16 – Pas d’immunité contre le droit civil 17 – Le ministère dans les temps à venir 18 – Les femmes ordonnées diacres 19 – Le service sans faste19 – Le service sans faste19 – Le service sans faste 20 – Pas de ce monde! 21 – Les sermons 22 – Réforme de l’autorité – discussion avec les opposants 23 – Réforme de l’autorité – pas à pas 24 – Réforme de l’autorité – permettre une plus grande diversité au niveau régional 25 – Réforme de l’autorité – peut-on éviter un schisme?
26 – La réforme de l’autorité – elle se fera!
« Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ». (Matthieu 17, 1‑2)_TOB
« Entrez, mon père! Vous avez le meilleur score du mois! »
Dans les années 1980, j’avais l’habitude de passer quelques mois par an en Inde en tant que conférencier itinérant. Un jour, un évêque de la région tribale de l’État de Jharkhand m’a invité à donner un séminaire biblique aux prêtres de son diocèse. Je l’appellerai l’évêque Bartholomé. J’ai été logé dans la maison de l’évêque.
Un soir, après le dîner, l’évêque m’a invité dans son bureau privé. Autour d’une tasse de chocolat chaud, il m’a raconté une histoire intéressante.
« J’ai été consacré évêque juste après Vatican II, a-t-il déclaré. Et, pour vous dire la vérité, j’ai été bouleversé par de nombreux changements introduits par le Concile. Une nouvelle liturgie locale? Mais nous avions passé des décennies à enseigner aux gens le rite occidental international! L’amitié avec les hindous? Mais ils étaient nos adversaires les plus redoutés! Plus de liberté pour les religieuses? Mais comment pourrions-nous alors les garder sous contrôle?! »
« Alors, que s’est-il passé? ai-je demandé. Vous acceptez Vatican II maintenant, n’est-ce pas? »
« Oui, c’est vrai. Voici mon histoire… Tout a commencé lorsque j’ai consulté des membres de mon personnel. L’ancienne maison de l’évêque était trop petite. Les prêtres qui me rendaient visite n’avaient nulle part où loger. Et lorsque je réunissais tous les prêtres du diocèse pour une réunion, je devais louer la salle d’une école locale… Certains de mes collaborateurs m’ont conseillé de construire une nouvelle aile avec une salle au rez-de-chaussée et des chambres d’hôtes au dessus. L’un d’eux était plus radical. Il m’a conseillé de démolir cette vieille maison et d’en construire une plus grande. »
« Cela a dû être une période difficile pour vous », ai-je dit.
« En effet, c’était le cas. Mais c’est alors qu’une conversion s’est produite. J’étais assis dans ma petite chapelle locale, réfléchissant à la situation difficile et priant… Je me suis rendu compte que l’ancienne maison de l’évêque était en ruine. Au départ, il s’agissait d’une petite maison de style occidental. Puis, à plusieurs reprises, de nouvelles parties ont été ajoutées : un nouveau salon avec une salle de bain moderne, puis une cabane pour abriter une cuisine de meilleure qualité, puis un étage au-dessus de la maison pour créer plus de chambres, puis une véranda plus large sur laquelle l’évêque pouvait s’asseoir le soir et parler aux gens… Et tandis que je pensais à tout cela, une autre pensée m’a soudain frappé. Ma maison était un amas d’ajouts, mais l’Église l’était aussi! L’enseignement de Jésus avait accumulé toutes sortes d’ajouts importés au cours des siècles : les coutumes grecques et romaines, les croyances et les pratiques du Moyen-Âge européen, etc. Je me suis dit que l’Église avait besoin d’une révision en profondeur, tout comme la maison de l’évêque… »
« C’est formidable! », ai-je dit.
« En effet. Cela m’a ébranlé. Le lendemain, je me suis rendu dans un collège voisin où un bon ami à moi enseignait. C’était un jésuite belge. Je lui ai parlé de ma nouvelle vision des choses – il a souri et m’a félicité. Il m’a ensuite donné plus d’informations sur certaines réformes de Vatican II. Nous avons eu d’autres discussions de ce type par la suite. J’ai démoli l’ancienne maison de l’évêque et j’ai construit la nouvelle. Je suis également devenu un fervent partisan des nouveaux changements. »
J’admirais l’évêque Bartholomé pour son honnêteté et son intelligence.
La mise en œuvre des réformes de l’Église
La réforme de l’Église peut prendre du temps et nécessiter des efforts importants de la part des responsables de l’Église. Le Concile qui a initié d’énormes changements, avant Vatican II est le Concile de Trente. Il s’est réuni pendant 24 sessions entre 1545 et 1563 et a traversé le règne de trois papes. C’était la réponse de l’Église catholique à la Réforme protestante qui avait entraîné la séparation d’une grande partie des fidèles de l’Église mère.
Et, vraiment, l’Église de l’époque avait besoin de réformes! La corruption était omniprésente au sein de la Curie. Dans la plupart des pays, les fils des dirigeants de l’aristocratie étaient nommés évêques pour servir d’alliés en politique sans tenir compte de leurs qualités spirituelles. Des prêtres étaient ordonnés sans avoir reçu d’éducation appropriée. Les indulgences étaient accordées en échange d‘argent. L’immoralité était tolérée dans de nombreux couvents. Le Concile de Trente a prescrit des contre-mesures qui ont profité à l’Église depuis lors.
Mais la mise en œuvre des réformes du Concile de Trente a demandé beaucoup de travail. Dans de nombreuses parties de l’Église, des décennies se sont écoulées avant que la nouvelle discipline ne soit mise en place. Le mérite en revient aux milliers d’évêques, de prêtres, de supérieurs religieux et d’autres personnes qui se sont progressivement battus avec beaucoup de patience, de difficultés et d’habileté diplomatique, pour que les réformes soient réalisées. Être un réformateur n’est pas une tâche facile.
Que penserait Jésus de tout cela?
Jésus, bien sûr, a été le réformateur religieux le plus important et le plus efficace de l’histoire de l’humanité. Sa révélation que Dieu est Amour et son enseignement que l’amour du prochain est notre plus grand devoir ont, au fil des siècles, eu un impact constructif sur la manière dont nous nous comportons les uns envers les autres. Les chrétiens constituent la plus grande communauté religieuse de notre planète. Mais Jésus a également prévu les énormes défis à venir – pour lui-même et pour ses disciples.
Dans ce contexte, la transfiguration de Jésus sur le mont Thabor est très significative. Jésus était en route pour Jérusalem. Ce voyage lui causera une douleur et une souffrance incroyables, mais aussi une résurrection triomphale. L’apparence de Jésus se transforma : « Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. » (Matthieu 17, 2). Mais nous nous trompons si nous pensons qu’il ne s’agit que de Jésus. Ce n’est pas le cas. La transfiguration visait à transformer les disciples de Jésus.
Matthieu souligne leur participation. Jésus a choisi les trois principaux apôtres, Pierre, Jacques et Jean, pour l’accompagner au sommet de la montagne. C’est à eux que s’adresse la voix de Dieu qui dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Écoutez-le! » (Matthieu 17, 1.5). En effet, la vision sur le mont Thabor était une « cérémonie de transmission ». Jésus transmettait sa mission de transformer le monde ainsi que son autorité aux apôtres. L’apparition de Moïse et d’Élie (Matthieu 17,3‑4) le confirme fortement. Tout juif de l’époque de Jésus aurait compris leur signification.
Moïse lui-même n’a pas pu accéder à la terre promise. Avant de mourir, au sommet d’une haute montagne, il passa le relais à Josué et lui dit :
« Sois fort et courageux, car c’est toi qui entreras avec ce peuple dans le pays que le Seigneur a juré à leurs pères de leur donner; c’est toi qui le leur donneras comme patrimoine. C’est le Seigneur qui marche devant toi, c’est lui qui sera avec toi, il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas; ne crains pas, ne te laisse pas abattre. » (Deutéronome 31, 7‑8)_TOB.
De la même manière, le prophète Élie a transmis sa tâche et son pouvoir à son disciple Élisée. Lorsqu’Élie a annoncé son départ de la terre, Élisée a demandé :
« Que vienne sur moi, je t’en prie, une double part de ton esprit! » Élie dit : « Tu demandes une chose difficile. Si tu me vois pendant que je serai enlevé loin de toi, alors il en sera ainsi pour toi, sinon cela ne sera pas. »[…] Voici qu’un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l’un de l’autre; Elie monta au ciel dans la tempête. Élisée ramassa le manteau qui était tombé des épaules d’Elie, revint vers le Jourdain et s’arrêta sur la rive. […] Les fils de prophètes, ceux de Jéricho, qui l’avaient vu d’en face, dirent : « L’esprit d’Elie repose sur Elisée. » Ils vinrent à sa rencontre, se prosternèrent devant lui jusqu’à terre.(2 Rois 2, 8‑15)_TOB
Et nous avons ici tout le message rassurant de la transfiguration de Jésus. Oui, Jésus partira. Il sera élevé au ciel. Mais il a transmis la poursuite de sa mission aux apôtres et à leurs successeurs. Il leur a également conféré sa propre autorité spirituelle. Ils seront confrontés à de nouveaux défis qui n’avaient pas été prévus du vivant de Jésus. Ils iront vers nouveaux territoires, comme l’a fait Josué. Dans des circonstances nouvelles et inattendues, ils guideront les gens, comme l’a fait Élisée.
En d’autres termes, Jésus veut que les ministres de l’Église conçoivent et exécutent courageusement la mise à jour des « doctrines » et des pratiques nécessaires à notre monde actuel. Il promet que son Esprit les guidera et leur donnera la force de mettre en œuvre toutes les réformes nécessaires.
Questions
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Croyons-nous, à tort, qu’être fidèle à la sainte Tradition signifie s’accrocher à la manière dont les choses étaient dans le passé? Ne nous rendons-nous pas compte qu’au contraire, la sainte Tradition, qui remonte à Jésus lui-même, implique que les responsables de l’Église ont l’autorité nécessaire pour relever de nouveaux défis et emprunter de nouvelles voies?
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Avons-nous le courage d’écouter l’Esprit et de poursuivre des réformes responsables?
Texte : John Wijngaards; caricatures : Tom Adcock
Le 27 juin 2023
Publié en collaboration avec le Wijngaards Institute for Catholic Research [WICR] [Institut de recherche catholique Wijngaards]
© the Wijngaards Institute for Catholic Research
Traduction réalisée par Pauline Jacob et Michel Goudreau à partir de la version gratuite du traducteur DeepL.
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Merci pour vos réflexions. À la 2e questions, je crois que nous devrions poser cette question en référence aux femmes et hommes de notre temps. La question se pose-t-elle lorsque le baptisé reçoit l’Appel pour le service de l’Eglise ? Ne devrions-nous pas agir ainsi envers les baptisées qui reçoivent cet Appel au service de l’Eglise, et ce sans distinction entre les cultures ? L’Eglise n’est-elle pas au service de la FOi ?