Semeuses d’espérance prophétique

Un nouveau visage de la vie religieuse s’est manifesté à l’assemblée plénière triennale de l’Union Internationale des Supérieures Générales (UISG) tenue à Rome du 6 au 10 mai 2019: une forte proportion des 820 responsables de congrégations présentes proviennent de l’Asie et de l’Océanie, de l’Afrique et d’Amérique latine. Héritières des élans missionnaires et colonisateurs du Nord, ou membres de communautés autochtones, elles ont témoigné de leur présence dans des régions du monde où trop de luttes économiques et politiques laissent des humains abandonnés à leur sort.

Le thème de Semeuses d’espérance prophétique s’est déployé en sous-thèmes : restaurer la dignité de la création, entrer dans la dynamique de l’interculturalité et favoriser le dialogue inter-religieux pour faire naître l’espérance inspirée du prophétisme biblique. Une rencontre cordiale avec le Pape François, au Vatican, a conclu ces quatre jours de conférences, ateliers, échanges et témoignages percutants.

Restaurer la dignité humaine

Le courant de fond de cet événement peut se résumer dans la formule « Restaurer la dignité humaine, un geste simple à la fois », un geste qui a le pouvoir de susciter l’espérance. C’est ainsi que S. Teresa Maya, CCVI, ex-présidente de l’association des religieuses aux États-Unis (LCWR), entrevoit l’avenir de la vie religieuse.

« Le temps des paroles est révolu (…) Nous devons donner une année sabbatique à nos esprits rationnels afin que le subconscient créatif, non linéaire, puisse nous aider à naviguer dans le récit, la poésie, l’art, les symboles, et les gestes (…). Nous avons un nouvel appel apostolique : offrir un sens à notre monde souffrant, avec le langage non verbal que seule notre vie consacrée sait parler avec tant de beauté. »

Retour à l’Évangile de la compassion. Ce changement n’exclut certainement pas l’analyse sociale des forces en présence et du caractère systémique des problèmes à résoudre. La plénière 2019 de l’UISG est d’ailleurs une vivante illustration de la manière d’exercer le leadership en période de profonde transformation. Collaboration, concertation et partenariat font intégralement partie des approches et activités, et la priorité est donnée à la formation des leaders de communautés et des formatrices à la vie religieuse. Un service professionnel des communications multiplie les échanges de ressources et les offres de formation à distance.

Le mouvement écologique mondial et la publication de l’encyclique Laudato, Si’ ont poussé la direction à lancer, en avril 2018, la campagne « Semeuses d’espérance pour la planète ». En plénière nous avons pris acte des initiatives réalisées aux quatre coins du monde en éducation, avec les familles et les paroisses; des ressources pédagogiques, spirituelles et théologiques sont accessibles sur les médias sociaux. Des activités de plaidoyer sur les changements climatiques et l’invitation à désinvestir dans les industries fossiles ont été encouragées. Chaque congrégation doit maintenant désigner une responsable du programme et en assurer le rayonnement.

La plénière fut l’occasion de souligner le 10e anniversaire de l’engagement des religieuses en faveur des femmes et des fillettes victimes de la traite humaine dans le mouvement international Talitha Kum (dont la version canadienne est le Comité d’action contre la traite humaine interne et internationale (CATHII). La réalité des migrations, qui génère aussi le trafic des humains, est un volet de la collaboration établie entre les promoteurs de Justice, Paix et Intégrité de la création (JPIC) des congrégations féminines et masculines.

La majorité des religieuses sont comme leurs concitoyennes confrontées à d’autres cultures et religions, d’où la nécessité d’offrir de programmes de formation pour apprivoiser le dialogue interreligieux et les relations interculturelles, sous la responsabilité de l’UISG, grâce aux fonds substantiels obtenus de quelques grandes fondations.

Autre champ de collaboration, la protection des mineurs et des personnes vulnérables, lieu de la honte et des larmes. Les deux unions de responsables des communautés masculines (USG) et féminines (UISG) travaillent déjà avec la commission du Vatican pour affronter la lourde crise des abus sexuels, abus de pouvoir et de conscience. L’intervention de la religieuse nigériane S. Veronica Openibo au Sommet organisé en février dernier à l’intention des présidents de conférences épiscopales en est un résultat significatif.

En ce qui concerne le travail de la Commission d’étude sur le diaconat pour les femmes, que le pape François a créée à la demande de l’UISG, en août 2016, force est de reconnaître que le travail est en suspens, faute de consensus sur la manière de continuer le travail.

Au terme de ces journées, nous avons compris que l’espérance vient et viendra du témoignage des religieuses qui accompagnent les luttes des femmes pour leur dignité, y compris dans notre Église. Puisque Dieu a promis un avenir de paix et d’espérance (Jérémie 29, 11-13), nous allons tâcher d’offrir un leadership transformateur. Ce sera notre part, essentielle, au renouvellement radical de la gouvernance en Église, qui semble la clef, le chemin pour repartir sur les chemins de l’Évangile. Tout est fragile, tout est ouvert. Armons-nous de patience et de compassion.

Gisèle Turcot, sbc
Le 11 juin 2019

Article publié dans le magazine Rencontre du CCCM, édition de juin –juillet-août 2019
et reproduit avec les permissions requises.

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Consulter les documents de la plénière 2019 de l’UISG en français, en allant à http://www.internationalunionsuperiorsgeneral.org/fr/uisgplenary2019fr/

L’auteure est supérieure générale de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal, membre de Femmes et Ministères et de l’organisation Antennes de paix

 

Gisèle Turcot

A propos Gisèle Turcot

Gisèle Turcot, sbc, est membre de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal dont elle est la supérieure générale depuis juin 2015. Elle a participé à la fondation du réseau Femmes et Ministères et elle est associée aux Antennes de la paix, groupe montréalais membre de Pax Christi International.
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