Travailler en coresponsabilité avec les femmes

Présentation faite au colloque ayant pour thème Visage féminin de l’Église! dans le cadre des célébrations du150e anniversaire de la fondation de l’archidiocèse de Rimouski.

M. Justin Trudeau, premier ministre du Canada, a déclaré qu’il était féministe. Je sais bien que l’impact n’est pas le même si à mon tour je proclame que je suis féministe. Oui, je suis profondément féministe dans le sens de vouloir en toute circonstance l’égalité des hommes et des femmes, le respect mutuel. Le thème retenu pour ce 8 mars 2017, Un égalité sans limites, est fort à propos. C’est un droit fondamental qui est encore loin d’être honoré dans nos sociétés et dans notre Église catholique. J’y reviendrai. Quand on pense que le droit de vote des femmes n’a été obtenu au Québec qu’en 1940 et au Canada en 1948. Et ce droit fut obtenu après de chaudes luttes. Ce n’est qu’en 1948, qu’une femme était élue à l’Assemblée nationale du Québec, Mme Claire Kirland-Casgrain.

Voici donc, après ce préambule, comment je me situe dans le partage des responsabilités avec les femmes avec lesquelles j’ai travaillé.

Je vais me concentrer sur trois grands moments de mon expérience de relations avec les femmes : la vie familiale, le travail à l’Université du Québec à Rimouski et mon engagement paroissial et diocésain.

1/ Apprentissage initial dans ma famille

Comme pour tout le monde les premières années de ma vie ont été déterminantes dans l’apprentissage de la relation homme-femme.

Je suis l’aîné d’une famille de 15 enfants, 9 garçons et 6 filles. Je n’ai jamais senti que les garçons avaient plus d’importance que les filles et vice-versa. L’instruction était privilégiée. Malgré des revenus très modestes, mes parents se sont serrés la ceinture afin de permettre aux enfants qui le voulaient de poursuivre leurs études jusqu’à l’université.

Ma mère était une femme très jolie, chaleureuse, accueillante. Elle n’avait fait que son primaire mais elle écrivait sans faute. Elle lisait beaucoup et nous a transmis ce goût de la lecture. Elle était abonnée à la bibliothèque municipale. Et nous en profitions largement. Mon père, travailleur acharné, soucieux de gagner le pain de la famille, était moins expansif. Il était très fier de son épouse et de ses enfants. Avec le recul du temps je crois que c’était ma mère qui, finement et discrètement, orientait la vie familiale en profondeur.

Évoqués à grands traits, je crois que les premiers vingt ans de ma vie ont été marquants pour moi en ce qui concerne ma relation avec les femmes. Une sorte d’ouverture à l’autre, en particulier avec mes sœurs : la façon de penser, de réagir aux événements, d’exprimer ses sentiments. Une belle école de la vie.

À la fin de mes études collégiales je choisis de devenir prêtre avec le goût de servir et de m’engager dans l’Église d’une façon particulière.

Sans que je l’aie demandé les autorités diocésaines m’ont offert de poursuivre des études avancées en Europe en vue de devenir professeur de théologie.

De belles années. Et là encore, surtout en France, je côtoyais avec bonheur des femmes qui suivaient les mêmes cours. C’était tout à fait nouveau dans l’Église. Une ouverture pour les femmes en théologie à la suite du grand souffle de renouveau provoqué par le Concile Vatican II, tenu de 1962 à 1965. Et ceci m’amène au 2e moment de mon expérience de ma relation avec les femmes.

2/ Vie universitaire et travail avec des femmes

Au départ, les professeurs au département des Sciences religieuses n’étaient que des hommes. La présence féminine était assurée par une excellente secrétaire. Une femme accueillante, chaleureuse, efficace. Elle était estimée par tous les professeurs, les étudiantes et les étudiants. Dans les cours il y avait de plus en plus de femmes ; c’était nouveau en bonne partie et donnait une couleur à nos cours.

Ma relation avec les autres professeurs du Centre d’Études universitaires, c’était le statut de l’institution au début, était agréable. De belles et bonnes relations d’amitié se sont tissés au cours des années autant avec les femmes et les hommes professeurs, ainsi qu’avec le personnel de soutien et le personnel administratif. Nous avons, comme groupe de professeurs, fait notre place et gagné l’estime de la communauté universitaire même auprès de quelques coriaces anti-cléricaux.

Puis Monique Dumais est venue rejoindre les rangs du corps professoral de notre département vers la fin des années soixante et dix. Vous comprendrez facilement que ma conscience féministe a été cultivée avec vigueur par une telle féministe doucement têtue et d’une ténacité à toute épreuve. Monique m’a souvent fait remarquer comment les femmes doivent se battre pour prendre leur place dans la société et, bien sûr en particulier, dans l’Église. Si tu étais une femme, tu comprendrais comment c’est frustrant de ne pas être reconnue à part égale, me disait-elle.

Monique a fondé avec quelques autres femmes la revue L’Autre Parole, une revue féministe chrétienne. Avec sa ténacité proverbiale elle a été une cheville ouvrière majeure de cette revue unique au Québec. J’ai été parmi les abonnés les plus fidèles, du premier numéro jusqu’à la fin de sa publication. Et j’aimais lire et me laisser interpeller par les articles écrits par de nombreuses femmes féministes engagées au Québec. Ma conversion n’a pas été complète. Je ne suis pas allé jusqu’à écrire Dieue, par exemple.

Au cours des 29 années que j’ai passé à l’UQAR, j’ai assumé pendant huit ans des responsabilités majeures : 4 ans comme directeur du département et 4 ans comme directeur du Module des sciences religieuses. Comme directeur du département j’avais à voir à l’embauche de chargés de cours, parmi lesquels il y avait autant de femmes que d’hommes. C’était la compétence et l’expérience de la personne qui me guidaient dans le choix à faire.

En 1984-1985, j’ai eu la chance de bénéficier d’une année de perfectionnement en théologie à L’Institut Catholique de Paris. Mon projet particulier a été de mieux comprendre le rôle et la place du diaconat permanent dans l’Église à la suite du Concile Vatican II. Au retour de cette année de perfectionnement j’ai travaillé pour l’instauration de ce ministère dans notre diocèse ; nous étions l’un des derniers diocèses du Québec à ne pas avoir mis sur pied ce ministère de service. Notre évêque Mgr Gilles Ouellet a mis sur pied un comité diocésain et il m’a chargé de le présider. Le 8 septembre 1989, Mgr Ouellet signait un décret pour l’instauration du diaconat permanent pour notre diocèse.

Je savais tout le malaise que suscitait la restauration de ce ministère dû au fait qu’il n’était pas ouvert aux femmes. Mais je me disais que la possibilité d’accès à ce ministère ordonné par des hommes mariés pourrait éventuellement préparer les mentalités à la possibilité d’un diaconat féminin dans le futur. Car il n’y a pas de contrindication théologique au diaconat féminin ; je peux m’appuyer pour ce diagnostic sur des théologiens aussi renommés que le Père Yves-Marie-Congar et le Père Joseph Moingt.

Le Pape François a mis sur pied, il y a quelques mois, un comité pour reposer la question du diaconat féminin. J’espère que la cause progresse.

3/ Coresponsabilité en paroisse

En août 1998, j’ai été nommé curé (modérateur) de 4 paroisses dont celle de Notre-Dame-de-Lourdes de Mont-Joli. Trois ans après, deux autres paroisses se sont ajoutées au secteur pastoral La Montée. J’avais un compagnon prêtre d’une exceptionnelle générosité, le Père Albert Cimon. Au cours de ces années j’ai aussi eu la chance de travailler avec des diacres permanents de grande qualité : Gaston Roussel, Bruno Lévesque et Jacques Lord.

Travailler en coresponsabilité réelle dans la mise sur pied d’un secteur pastoral est stimulant et exigeant à la fois.

Savoir animer avec vigueur et ténacité tout en permettant aux personnes engagées de mettre à profit leur charisme pour la vitalité de la vie paroissiale, autant au point de vue administratif que pastoral. La présence précieuse, généreuse des femmes en pastorale est irremplaçable. Si elles faisaient la grève ce serait catastrophique pour l’Église. C’est alors important d’user de doigté : la belle sensibilité des femmes nous invite à de la souplesse, à un supplément de politesse. J’ai essayé d’en tenir compte dans mon travail en coresponsabilité. Savoir dire merci, savoir reconnaître ce que les personnes font de beau et de précieux. Nous sommes alors toutes et tous gagnants.

Ce fut une très belle période de ma vie. J’ai aimé les personnes, hommes et femmes, jeunes ou moins jeunes, et elles me l’ont bien rendu.

4/ Une dernière étape de mon engagement pastoral

Je vis présentement une dernière étape de mon engagement ecclésial. À la façon d’Obélix, je suis tombé dans la marmite de la vie féminine. Aumônier d’une communauté religieuse féminine. Ce ministère me convient fort bien en raison de mon âge. C’est pour moi un beau et stimulant ministère. Je vis dans un bel environnement spirituel. Je sens que la communauté des Soeurs Notre-Dame du Saint-Rosaire m’a vraiment adopté comme un frère dans la foi et dans l’amour.

J’espère que je ne suis pas trop loin d’être un féministe véritable.

Jacques Tremblay
Rimouski, le 8 mars 2017

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A propos Jacques Tremblay

Prêtre diocésain, Jacques Tremblay a travaillé en paroisse, au diocèse et comme professeur au département des sciences religieuses de l’Université du Québec à Rimouski [UQAR]. Il a à son actif de nombreuses publications. Il est présentement impliqué dans plusieurs comités diocésains tout en étant membre de l'équipe pastorale à la maison mère des Soeurs du Saint-Rosaire.
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