Femmes prêtres : « Vraiment? Jamais? »

Texte d’abord publié sur le site Culture et Foi ‑ Explorer la quête spirituelle et la recherche de sens et reproduit avec les permission requises
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Lors de son vol de retour de Suède, où il a pu rencontrer notamment l’archevêque Antje Jackelén, présidente de l’Église luthérienne nationale et bien d’autres femmes prêtres, le pape François a dû répondre à nouveau à la question de l’ordination des femmes dans l’Église catholique. La journaliste, ne se satisfaisant pas de la première réponse, formelle, a insisté : « Vraiment? Jamais? ». Et le pape s’est alors clairement impliqué : « si on lit attentivement la déclaration de saint Jean-Paul, cela va dans cette direction, oui ».

Définitive, la déclaration de Jean-Paul II?

Si François a choisi les combats qu’il doit mener pour réformer l’Église, il est clair que celui de l’ordination des femmes ne fait pas partie de sa liste. S’il appelle à revisiter la « théologie de la femme », rien n’indique que le sacerdoce ministériel s’achemine vers une ouverture aux femmes. La lettre de Jean-Paul II semble donc avoir scellé la question aux plus hautes instances de l’Église en prescrivant l’assentiment de tous les fidèles.

En même temps, le fait que François se rende en Suède pour inaugurer le 500e anniversaire de la Réforme luthérienne est tout sauf banal! De plus, aucune contre-indication ne semble avoir été donnée pour les liturgies auxquelles il a participé, en présence de femmes-prêtres et d’une archevêque, vêtues selon la dignité de leur fonction… Ne serait-ce pas déjà une forme de reconnaissance implicite de la validité de leur ordination?

Pourrions-nous, ici, faire une comparaison avec l’accueil de prêtres anglicans mariés dans l’Église catholique? Même si, paradoxalement, ceux-ci sont venus frapper aux portes de l’Église romaine parce qu’ils refusaient l’ordination des femmes dans la communion anglicane, leur ordination a pourtant été parfaitement reconnue par Rome qui leur a accordé une éparchie particulière. Cela a donné lieu à un mouvement de « conversions » de prêtres au catholicisme, emmenant avec eux leurs conjointes!

J’ai connu deux jeunes femmes, il y a quelques années, qui ont choisi d’aller étudier la théologie dans une université anglicane. Au moins l’une d’elle, bien catholique, a demandé à être ordonnée prêtre, ce qui fut fait, en rêvant de pouvoir revenir un jour dans la communion romaine. Si son ordination est valide, comme celles de tous les prêtres transfuges, puisqu’elle a reçu l’imposition des mains par un évêque validement élu, en quoi son sacerdoce différerait-il de celui des hommes qui ont trouvé refuge dans l’Église romaine?

Une dérive théologique?

Le principal motif de l’Église à ne pas vouloir ordonner des femmes réside dans cet argument historique : Jésus n’aurait ordonné que des hommes. Déjà, sur un plan formel, plusieurs questionnent le fait que Jésus ait vraiment « ordonné » des disciples en vue de leur conférer un rôle d’apôtres. Les évangiles confirment bien l’existence des « Douze » qui ont eu, parmi les disciples, à signifier le nouveau peuple de Dieu formé, à l’instar des douze tribus d’Israël, mais dans l’univers symbolique, de douze colonnes (cf. Apocalypse). Par ailleurs, Jésus a souvent privilégié un petit groupe « sélect » de trois disciples, Pierre, Jacques et Jean. Et il aurait bien, selon Matthieu, désigné Pierre comme la pierre de fondation de l’Église. Mais tout cela remonte bien avant toute « structure » ecclésiale et toute « ordination » selon la forme et les rites que lui donneront l’Église bien des années plus tard. Bref, la volonté de Jésus de n’« ordonner » de cette manière que des hommes ne trouve pas de fondement absolu dans la seule lecture des évangiles.

Est-il possible que l’équation « Jésus => homme => apôtres » et « Marie => femme => servantes » soit plus significative pour la Tradition que la seule référence aux évangiles? L’idée étant que pour « représenter » le Christ, il vaut mieux que ce soit un humain du même sexe. Une femme pourrait difficilement être une alter christus (autre christ) en vertu de ses attributs féminins. Celle-ci serait donc plutôt configurée à Marie que son Fils n’a jamais « ordonnée ».

Donc les femmes n’auraient pas, dans leur revendication à l’égalité, à attendre de l’Église qu’elle les appelle à la fonction sacerdotale et encore moins à la succession apostolique. Cela ne paraît-il pas réducteur de la vraie suite du Christ? Suivre le Christ, c’est aimer comme lui, devenir comme lui, agir comme lui. Cela est demandé à tous les disciples, qu’ils soient hommes ou femmes. Imiter Marie, c’est offrir tout son être au projet de Dieu, dire oui à sa volonté, prendre le risque de donner sa vie et de souffrir par amour. En quoi n’y aurait-il que des femmes appelées à un tel fiat? Est-il possible que le sexe du Fils de l’Homme, nécessité inhérente à son incarnation dans notre chair, ait donné lieu à une traditionnelle confusion?

Un grand nombre de chrétiens, y compris des catholiques dont des prêtres et des évêques, ont lu autrement que Jean-Paul II les Écritures et ne sont pas arrivés aux mêmes conclusions irrévocables. Si l’excommunication du moine Luther fut définitive lorsqu’elle fut prononcée, il semble bien que sa « rédemption » soit désormais en voie d’être accomplie avec la complicité du pape actuel. Peut-être bien qu’une lettre d’un saint prédécesseur, malgré la dimension ex cathedra qu’il a clairement voulu lui donner, pourrait un jour être relevée de son caractère définitif?

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A propos Jocelyn Girard

Membre de l’Équipe diocésaine de pastorale du diocèse de Chicoutimi (Québec), professeur à l’Institut de formation théologique et pastorale (Chicoutimi ), chroniqueur, et blogueur, Jocelyn Girard détient un Ph.D. en théologie pratique. Auparavant responsable de communautés de L’Arche de Jean Vanier (Montréal, Québec; Hauterives, France). Ses domaines d’intérêt : la catéchèse et la formation à la vie chrétienne (accent privilégié pour les adultes); l’éthique chrétienne; la christologie; l’ecclésiologie; l’engagement social pour la transformation du monde.
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