Oui au mariage des prêtres et au sacerdoce des femmes

Comment dépasser la pédophilie? À l’occasion des scandales de la pédophilie commise par des prêtres et des religieux un peu partout dans le monde, le Vatican a organisé au début de février un symposium international sur le sujet. Le pape Benoît XVI y a plaidé pour un « profond renouveau de l’Église ».

Au-delà des moyens particuliers pour prévenir la pédophilie sur lesquels on insistera sûrement – compassion pour les victimes, refus de toute forme de complicité, comme les silences et les simples déplacements de poste, dénonciation explicite des fautifs, sélection plus judicieuse des candidats à la prêtrise et à la vie religieuse -, il faut élargir la discussion à la conception de la sexualité et à la place de la femme dans l’Église.

Le sujet est tabou, mais il faut avoir le courage de l’aborder, profiter de l’occasion pour le faire, dans la perspective où saint Augustin, évêque du IVe siècle, disait que « même les péchés servent », même les fautes doivent servir au renouveau.

Ainsi faut-il revoir la question du mariage des prêtres. Il n’est pas certain que cela règle la question de la pédophilie. Les statistiques montrent qu’il y a beaucoup d’hommes mariés qui pratiquent la pédophilie, notamment des animateurs de jeunes dans les sports. Il y a des pédophiles chez les pasteurs protestants mariés et parmi les responsables des autres religions.  Les pédophiles sont souvent des personnes dont la personnalité est fragile et la sexualité mal intégrée. Mais cela en diminuera sûrement le nombre.

Surtout, cela ajouterait grandement à la crédibilité de l’Église. En plus de permettre une arrivée de nouveaux prêtres nécessaires à la promotion du message chrétien et à la vitalité de l’Église. Les autorités catholiques reconnaissent explicitement depuis plusieurs années que cette interdiction du mariage des prêtres est une question purement disciplinaire, qui pourrait changer. Jusqu’au XIe siècle, d’ailleurs, ceux-ci pouvaient se marier. Les inconvénients de gestion des communautés ne devraient pas nous arrêter.

Plus largement, il faut revoir la place de la femme dans l’Église et reconnaître explicitement et officiellement son égalité avec l’homme. C’est une question de crédibilité de l’Église aujourd’hui. Mais plus encore une question de vérité et de justice.

Malgré quelques textes du Nouveau Testament difficiles à interpréter, tout l’esprit évangélique proclame cette égalité, non seulement devant Dieu, mais aussi devant la société civile. Jésus lui-même avait une attitude particulièrement ouverte envers les femmes (voir le récit de sa rencontre avec la Samaritaine, voir la collaboration étroite de femmes durant son ministère).

Le fait que le Christ soit un homme ou qu’il n’ait choisi que des hommes comme apôtres ne doit pas empêcher le changement de réglementation. L’exclusion des femmes relevait de la culture du temps  et de la volonté de se distinguer des cultes païens où trônaient des déesses et des prêtresses.

Sur beaucoup de points, d’ailleurs, l’Église a évolué au cours des âges, soit pour s’adapter aux temps nouveaux (par exemple, les édifices du Vatican), soit par ce qu’on a mieux saisi les valeurs de l’Évangile. Comment les catholiques peuvent-ils promouvoir l’égalité quand leur Église ne la reconnaît pas.

Cette reconnaissance implique deux choses. Premièrement, admettre des femmes à des postes d’autorité dans l’administration de l’Église. Deuxièmement, accepter le sacerdoce des femmes. Aucun argument théologique valable ne l’interdit.  Le maintien de la règle actuelle n’est que le fruit de l’inertie et du manque d’audace au service du Christ.

Pour que cette réforme avance, il faut absolument que des chrétiens, des théologiens parlent. Mais plus encore que des évêques, des assemblées épiscopales y mettent tout leur poids. Les évêques québécois, canadiens, auront-ils ce courage? Je l’attends, nous l’attendons.

Guy Durand est théologien et professeur émérite de l’Université de Montréal
Texte d’opinion publié le 10 février 2012 dans La Presse.ca et reproduit avec la permission de l’auteur.

 
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