Les femmes dans l’Église à l’aube du 21e siècle – La violence et la pauvreté à l’intérieur des murs institutionnels : bilan des 20 dernières années

La prise de conscience de la discrimination vécue par les femmes dans l’Église a entraîné, dans les vingt dernières années, un certain nombre de publications qui ont permis de faire ressortir la pauvreté et la violence qu’avaient à vivre certaines femmes à l’intérieur de l’institution ecclésiale. Qu’on pense à Les soutanes roses (Bélanger, 1988), Femmes et pouvoir dans l’Église (Caron, 1991), Voix de femmes, Voies de passage (Baroni, Bergeron, Daviau et Laguë, 1995), Les ouvrières de l’Église (Roy,1996).  En dépit de certains efforts de redressement réalisés au cours de cette période, des pratiques discriminatoires à l’égard des femmes engagées en Église existent toujours à l’aube de ce troisième millénaire; c’est ce que cette étude révèle.

La méthode utilisée dans cette recherche a comporté deux volets.  Le premier a consisté en une cueillette de données dans différents volumes, articles de revues et documents sur les politiques de travail et les échelles de salaire provenant de cinq diocèses différents; le second a été constitué d’entrevues réalisées avec cinq intervenantes dans le champ de la pastorale provenant de cinq diocèses différents.  Voici le résultat de ces observations.

LA PAUVRETÉ :

Dans certains diocèses, les conditions de travail ont fait des pas de géants.  Par contre, dans certains autres, il reste de nombreuses marches à gravir avant d’obtenir des conditions de travail inspirées des principes de justice sociale de l’Église.

1.    Les salaires :

Certains diocèses offrent des salaires décents qui tiennent compte de la scolarité, de l’expérience et des responsabilités impliquées, mais ce n’est pas le cas dans tous les diocèses.  Certains offrent une rémunération à toute personne mandatée pour son travail pastoral mais, là non plus, ce n’est pas le cas dans tous les diocèses.

−    Dans certains diocèses, les salaires des agentes de pastorale sont nettement insuffisants quand ils ne sont pas tout simplement inexistants. Exemple :  Une mère dont le seul revenu est celui d’agente de pastorale scolaire doit passer les journaux avant de commencer sa journée de travail pour joindre les deux bouts. Exemple : Des agentes de pastorale en chômage l’été ne réussissant pas à arriver avec leur mince revenu-du chômage; on doit créer un fond de solidarité pour les aider.−    Les salaires ne tiennent souvent pas compte de la scolarité.  Certaines diplômées ne reçoivent aucune rémunération pour une partie ou la totalité de leur engagement professionnel bien qu’elles assument souvent de grandes responsabilités.  On leur demande parfois une ou deux journées de bénévolat pour une journée de travail rémunéré.−    Les échelles salariales élaborées au niveau diocésain sont souvent mal connues et mal appliquées.  Personne ne se charge de vérifier et d’encourager leur application dans les paroisses.  L’agente de pastorale les ignore parfois ou, si elle les connaît, a peu de recours si elle veut qu’elles soient appliquées sans que ça ait de rebondissements sur son emploi.  Plusieurs ont l’impression de quêter pour obtenir ce à quoi elles ont droit.−    Souvent, on ne tient pas compte du niveau d’étude de l’agente de pastorale pour établir son salaire; certaines ont un certificat de niveau collégial, d’autres une maîtrise universitaire.−    Dans des paroisses ou des diocèses différents, les salaires peuvent varier, pour un même travail, de 16 900$ à 27 000$ pour une agente de pastorale paroissiale et de 16 000$ à 23 000$ pour celle qui est chargée de pastorale scolaire au primaire.  Dans un des diocèses, une femme qui a une responsabilité au niveau diocésain peut gagner jusqu’à 39 000$.  Ailleurs, par contre le maximum est de 27 000$.  Il demeure toutefois difficile de comparer les salaires parce que les responsabilités, du moins au niveau diocésain, sont très variables.−    Il y a souvent un important écart salarial entre les employées diocésaines ordinairement mieux rémunérées et les employées en milieu paroissial ou scolaire.

2.    La sécurité d’emploi

Dans des diocèses qui ont des politiques et un contrat de travail clair, la sécurité d’emploi existe après quelques années de travail, Dans d’autres diocèses, c’est toutefois différent.

−    La sécurité d’emploi est souvent reliée au patron actuel (curé ou évêque).  Certaines, en milieu paroissial ou scolaire sont mises en chômage l’été et la plupart du temps réengagées à l’automne avec une tâche négociable à chaque année.−    Les contrats, quand ils existent, sont le plus souvent renouvelables annuellement; ils ont cependant un avantage, ils permettent que les agents et agentes ne soient pas remerciés de leurs services du jour au lendemain car l’employeur doit tenir compte des normes du travail en vigueur au Québec.−    La sécurité d’emploi est, dans la plupart des cas, reliée au mandat pastoral souvent renouvelable aux ans.

3.    L’assurance – maladie

Des diocèses ont des plans d’assurance-maladie intéressants, applicables à celles qui oeuvrent en pastorale diocésaine, paroissiale ou scolaire mais ces avantages ne sont pas généralisés à tous les diocèses.

−    Certains diocèses ont des plans d’assurance-maladie pour les employés diocésains; les agents de pastorale paroissiale peuvent parfois y avoir droit si elles en font la demande et si elles le souhaitent.  Par contre, les agents et agentes de pastorale scolaire au primaire y sont rarement éligibles sauf si elles font partie de l’équipe paroissiale.−    Parfois, dans un diocèse, cet avantage existe uniquement au niveau de certaines paroisses de sorte que deux agentes de pastorale travaillant dans deux paroisses voisines peuvent avoir des conditions différentes.  L’implication d’un tel avantage est énorme.  Exemple : Une agente de pastorale souffrant d’un grave désordre psychologique a pu recevoir un revenu minimum garanti sans avoir besoin de recourir aux services gouvernementaux.  Dans une autre paroisse du même diocèse, ce n’aurait pas été possible puisque l’agente de pastorale n’aurait pas eu accès à un régime d’assurance-maladie.

4.   Les avantages sociaux

Les milieux diocésains offrent assez souvent maintenant des fonds de pension et ça s’étend parfois aux milieux paroissiaux et scolaires mais cet avantage n’est pas généralisé.

−    Un bon nombre de femmes oeuvrant en pastorale ne peuvent s’en prévaloir, surtout en milieu scolaire primaire.  Dans certains cas, l’agente de pastorale peut y avoir droit mais elle doit penser à en faire la demande.

5.  La protection syndicale

La syndicalisation n’a pas franchi le mur de l’institution ecclésiale sauf dans un diocèse où on retrouve un syndicat chez les employés diocésains.  Un diocèse a par contre un comité de relations de travail avec des procédures bien claires dans les cas de griefs ce qui facilite les relations de travail.

6.  Les horaires de travail
Plusieurs milieux ont maintenant un contrat de travail où les horaires sont précisés mais le travail espéré par l’employeur est souvent supérieur à celui inscrit dans les contrats.

−    Un certain nombre d’agentes de pastorale ont le sentiment de devoir faire plus que ce que leur contrat de travail demande.  Même lorsqu’elles sont engagées pour un nombre d’heures précis, elles savent qu’on s’attend à ce qu’elles fournissent des heures supplémentaires non rémunérées; l’agente de pastorale souvent isolée dans sa paroisse trouve alors difficile de dire non.

7.  Les congés de perfectionnement

Les différents diocèses prévoient des jours de perfectionnement tant pour le milieu scolaire que pour le milieu paroissial.  Leur nombre varie d’un diocèse à l’autre.  Les agents de pastorale en paroisse ont généralement droit à du ressourcement spirituel, de trois à cinq jours par année; la paroisse défraie habituellement la moitié des frais encourus.  C’est un des secteurs du travail pastoral où il y a eu des progrès notables.

−    Dans certains cas, la personne se sent obligée de remettre son temps et de travailler bénévolement un certain nombre d’heures pour suppléer aux heures de travail qu’elle n’a pas réalisées durant son absence.

8. Les congés de maternité
Les congés de maternité sont généralement ceux prévus par les normes du travail : des congés sans solde avec une rémunération de l’assurance-emploi.
9. Les vacances

Celles qui ont un contrat de travail ont en général des vacances allant de trois à cinq semaines mais celles qui n’en ont pas ont des conditions très variables.

−    Quand ce contrat n’existe pas, on s’en remet au bon vouloir du curé en place et à son bon jugement…−    Dans le secteur paroissial ou scolaire, on met parfois l’agente de pastorale au chômage au mois de mai ou juin pour la reprendre à l’automne après lui avoir donné l’équivalent d’un pourcentage de son salaire comme compensation de ses vacances.−    Dans certaines paroisses, l’agente de pastorale ne se reconnaît pas le droit de prendre des vacances; il arrive même qu’on la fasse se sentir coupable d’en prendre (problème de femme ou de curé?).

10.    Les postes

Dans certains diocèses, les postes sont clairement affichés et les personnes concernées sont au courant de leur accessibilité.  Toutefois, la politique d’affichage de postes n’est pas généralisée même dans des diocèses plus avancés au niveau des conditions de travail.

−    Un diocèse consulté offre un premier mandat pastoral de 2 ans, puis par la suite, des mandats de trois ans qui normalement sont renouvelés; mais plusieurs postes sont renouvelables aux ans à cause des mandats pastoraux.−    L’embauche de nouvelles personnes se fait le plus souvent dans le rayon de relations des clercs et le recrutement s’effectue le plus souvent par sollicitation directe.−    On recherche souvent des employées compétentes mais à bas salaire; d’où, à certains moments, l’embauche de religieuses pour atteindre cet objectif.−    On essaie encore souvent d’aller chercher du bénévolat en pastorale au lieu d’ouvrir des postes d’agents ou d’agentes de pastorale.−    Les exigences d’embauche d’agents et d’agentes de pastorale sont élevées en dépit de faibles conditions de travail dans plusieurs cas.  Un certain nombre de diocèses demandent un baccalauréat en théologie pour travailler en pastorale et, dans ce cas, le salaire n’est pas nécessairement proportionnel à cette exigence de formation.−    Les possibilités de changement de fonction sont rares dans plusieurs diocèses ou en milieu scolaire, ce qui peut entraîner un danger de sclérose dans une fonction.

−    Il est difficile de comparer les postes d’un diocèse à l’autre puisque les mêmes fonctions n’ont souvent pas les mêmes titres.

−    On peut noter que plus les conditions de travail d’un diocèse ont été travaillées, plus il existe une politique d’affichage de poste.

N. B.    Le Code de droit canonique prévoit que les laïcs affectés de manière permanente ou temporaire à un service spécial d’Église ont droit à une honnête rémunération leur permettant de pourvoir décemment à leurs besoins et à ceux de leur famille. (can. 231)  On peut donc s’appuyer sur ce principe.

LA VIOLENCE :

À première vue, la violence ne semble pas présente dans l’institution ecclésiale.  Comme dans la société en général, il faut apprendre à y déceler des indices de violence lesquels ne sont pas toujours évidents.

Car la violence entendue comme un « abus de pouvoir d’une personne ou d’une institution à l’égard d’une autre » (Paquette, 1998, 27) existe envers les femmes dans l’Église.  Cette violence s’exprime par la domination de l’homme sur la femme à l’intérieur d’un système, le système ecclésial patriarcal (violence systémique) et elle se manifeste aussi dans la réalité concrète du milieu de travail ecclésial.

1 – LA VIOLENCE SYSTÉMIQUE

Cette forme de violence est celle qui est générée par un système où l’une des parties en cause domine et contrôle nécessairement l’autre.  Dans l’Église, elle se retrouve dans le discours religieux comme dans les structures et l’organisation institutionnelle.

A.    Le discours religieux

Le discours religieux s’est tout de même amélioré depuis quelques années mais une longue route reste à parcourir pour qu’on retrouve un discours réellement représentatif des hommes et des femmes en Église.

1)    « Le langage biblique et théologique »  :
Même si l’exégèse a permis une interprétation plus adéquate de certains textes bibliques (les récits de la création par exemple), cette interprétation n’a pas encore atteint tous les milieux et la théologie traditionnelle marque encore un certain nombre de milieux ecclésiaux.
−    La Bible est écrite au masculin; on y présente un Dieu masculin, un Dieu Père, donc un Dieu qui a du pouvoir.  Et l’image d’un Dieu Père et Mère traverse difficilement la barrière patriarcale.

−    Il y a peu d’utilisation dans les documents venant de Rome, des quelques images féminines de Dieu dans la Bible.

−    L’histoire de l’Église se base sur des récits d’inspiration patriarcale : Les récits de la création ont longtemps véhiculé l’idée de l’inégalité de l’homme et de la femme dans la société. La femme y est souvent présentée comme fille d’Ève et tentatrice, on doit donc s’en méfier.

−    Dans la théologie traditionnelle, la femme peut seulement être présentée comme image de Dieu et non comme image du Christ parce que, dit-on, le Christ était un homme, d’où l’argumentation utilisée pour rejeter l’idée de l’ordination des femmes.

2) «  Le discours liturgique  »  :Malgré certains efforts réalisés dans les dernières années pour féminiser un tant soit peu le discours liturgique dans l’Église, le langage y est demeuré plutôt exclusif dans les textes officiels et dans de nombreuses célébrations.

−    Le lectionnaire, publication officielle des textes pour les célébrations liturgiques,  est rédigé au masculin.  On y retrouve également peu de textes où il est question de femmes.−    Les discours et la pratique ne coïncident pas toujours, on y parle d’égalité entre les hommes et les femmes mais les femmes sont limitées dans les rôles qu’elles peuvent jouer.
3) «  Le discours moral et le discours législatif  »  :

Le discours moral avait évolué avec Vatican Il mais les dernières années ont vu apparaître un certain nombre de discours centrés davantage sur la loi et l’ordre que sur l’amour. Le discours législatif a progressé depuis la parution du dernier Code de droit canonique.  Celui-ci présente toutefois, dans certains textes, un discours misogyne.

−    La sexualité est au cœur d’un certain nombre de publications venant de Rome; le discours sur ce qu’il ne faut pas faire semble plus important que celui sur l’amour et le partage dans le couple.−    Lorsqu’il est question de problèmes qui touchent particulièrement les femmes, la contraception ou l’avortement, par exemple, le discours est différent de celui qui touche des situations vécues principalement par des hommes, la guerre par exemple.  On sanctionne davantage l’avortement que le meurtre.  Le Code de droit canonique prévoit par exemple une sanction majeure pour celle qui se fait avortée : elle est excommuniée; par contre, le meurtrier ou le marchand de drogue peut se repentir et recevoir l’absolution sans être exclu…−    La législation de l’Église écarte les femmes de certaines fonctions et de certains postes de responsabilité : le lectorat (canon 230, par. 1), l’ordination sacrée (canon 1024), la prédication homilétique (canon 767, par. 1); le vicariat judiciaire et la fonction de juge diocésain (canons 1420, par. 2 et 1421, par. 1). Il s’agit d’une forme de violence s’exprimant par l’absence du droit pour toute femme de marcher dans la ligne de ses charismes.
4) «  Le discours pastoral  »  :

Dans l’Église du Québec et des communautés environnantes, bon nombre de pasteurs adoptent un discours davantage pastoral lorsqu’il est question de problèmes moraux mais ce n’est pas généralisé.
−    Dans certaines paroisses, le discours qu’on voudrait pastoral est parfois davantage moral : on encourage, par exemple, l’obéissance et l’humilité dans des situations de violence conjugale.−    On prône le maintien de l’union conjugale à tout prix, en incitant les femmes au pardon sans limite et souvent sans condition, à la réconciliation perpétuelle au nom d’une mystique fort difficile à atteindre. (Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec, 1989, 35)−    Dans certains milieux, on renforce la dimension « autorité »  du prêtre au lieu d’encourager celle de rassembleur, de personne au service de la communauté.

B.    La violence des structures et de l’organisation institutionnelle
L’Église a une structure et une organisation d’inspiration patriarcale qui peuvent être qualifiées de violentes puisqu’elles encouragent le contrôle d’une partie par une autre.

−    Il s’agit d’un modèle de relation dominant-dominé, terrain favorable à une forme de violence. Exemple : Une intervenante auprès d’agentes de pastorale dira : « La structure, c’est pire dans l’Église.  Le fait qu’a priori le prêtre a raison et que la personne subit ce qui se passe me fait penser au concept d’infaillibilité qui serait appliqué jusqu’au bas de l’échelle : c’est une forme de violence… Comment mettre ça avec l’Évangile ? »

1) « Origine de cette violence »Il s’agit d’un sexisme séculaire véhiculé par les Pères de l’Église et un grand nombre de théologiens.  L’Église a longtemps contribué à l’infériorisation des femmes (Conseil du Statut de la femme, 1993- 27); et nous ne sommes pas complètement sortis de cette noirceur.

2) « Causes de cette violence »−    Un rapport inégal de pouvoir à l’avantage d’une des parties est une des causes de la violence.  Et plus cette inégalité est grande plus le potentiel de violence est élevé. (Conseil du Statut de la femme, 1993, 27). Nous avons dans l’Église les ingrédients de base pour que se vive la violence.−    La violence contre les femmes, comme la violence raciale ou religieuse, est rendue possible par la conviction que « l’autre », la femme, le noir, le juif, vaut moins que soi, est moins intelligent, moins beau, moins utile à la société, moins proche de Dieu. (Conseil du Statut de la femme, 1993, 27)  Et dans l’Église, une telle réalité est implicitement présente dans un certain nombre de situations.−    Les structures de décision accessibles uniquement aux hommes sont porteuses de violence de par leur fonctionnement même, il s’ensuit qu’on y apporte de façon moins urgente, par exemple, des problèmes portés par des femmes.  Un tel fonctionnement est installé depuis longtemps dans l’Église.

3) «  Manifestations de cette violence  »a) «  Les préjugés favorables à l’homme d’abord  »
−    Dans la société comme dans l’Église, il y a parfois des préjugés favorables à l’homme. C’est ainsi qu’on croit à la plupart des justifications des hommes violents.  On comprend l’agresseur et blâme la victime, (Boudreau, 1995, 20).  Dans un certain nombre de situations, les femmes partent perdantes quand un conflit se vit entre un curé et l’une d’elles. Exemple : Quand on reconnaît une forme d’abus, on cherche plus souvent à sauver le prêtre en place au détriment de la femme concernée.−    On cherche parfois à sauver l’image de l’Église, on préfère taire ou mettre certains gestes à connotation violente en sourdine. Exemple : Si des faits démontrent clairement, hors de tout doute, que la personne ordonnée fait du tort ou a tort, il arrive souvent que des décisions se prennent comme si cette personne avait raison : A) Elle sera maintenue dans ses fonctions et conservera tous les avantages liés à son poste. B) La personne non ordonnée devra subir un changement de poste ou se plier aux directives sensées ou non.
b) «   Les structures  »
−    Les structures ecclésiales sont génératrices de domination et favorisent davantage un rapport dominant-dominé qu’un rapport de partenariat, de partage.−    Ces structures sont injustes.−    Seuls des hommes peuvent accéder au pouvoir.−    On y laisse sournoisement planer l’idée que les femmes ont moins d’importance et de valeur que les hommes puisqu’elles ne peuvent accéder à aucun poste de pouvoir.−    Le travail y est d’abord divisé selon les sexes et non selon les compétences.
c) «   FAIBLE DÉSIR DE CHANGEMENT  »
Dans l’Église, nous avons souvent affaire à une politique de pieux vœux ou de changements au compte-gouttes lorsqu’il est question de transformations réelles.  Certains diocèses ont toutefois fait des efforts remarquables en ce sens mais il reste encore de nombreux coins à convertir.

2 – LA VIOLENCE DANS LE MILIEU DE TRAVAIL

La violence du système ecclésial se traduit concrètement dans le milieu de travail.  Elle s’exprime par le pouvoir, la violence verbale, la violence psychologique et certaines formes de violence plus subtile.

A. Le pouvoir

−  Dans l’Église, la plupart des postes d’autorité exigent l’ordination.  Le prêtre a tous les pouvoirs et certains l’utilisent grandement… Ceux-ci confient les responsabilités à qui ils veulent bien et les retirent quand ils le veulent bien également.  Ce sont des petites violences au quotidien.
Exemples  :
-Une animatrice de pastorale se voit refuser les clés de locaux de l’Église même après plusieurs années de travail avec ce curé…
-Un curé refuse qu’une responsable de chorale « bénévole » se fasse remplacer par une autre personne compétente pour une fin de semaine.
-De nouveaux curés ne tiennent pas compte des acquis de la paroisse et cherche à tout contrôler même la distribution des feuillets paroissiaux.
-On passe parfois par-dessus une personne pour prendre une décision un peu comme des   parents peuvent parfois le faire quand il s’agit d’un enfant.
-Un curé décide qu’un adolescent ne sera pas confirmé parce qu’il lui a tenu tête; il ne prend aucunement en considération l’opinion de la catéchète qui a un avis contraire.
-Certains curés acceptent mal les initiatives d’agents ou d’agentes de pastorale qui souhaitent amorcer certains changements pour intéresser davantage de gens. On les décourage en leur disant que tout a déjà été essayé.

−    Les pouvoirs décisionnels sur les orientations, les choix prioritaires et aussi la responsabilité finale des gestes posés sont refusés aux femmes; c’est une injustice, un mépris, une offense aux droits de la personne. (Chénier, 1997, 24)

−    En général, les tâches qu’assument les femmes à l’emploi de l’Église ne leur donnent pas de pouvoir de transformation au plan institutionnel.  Elles les habilitent davantage à informer et à conseiller (Roy, 1996, 359). Exemple : la répondante diocésaine à la condition féminine assure l’entrée d’informations pertinentes concernant la question des femmes sans pouvoir générer de transformations substantielles.

B. Les conditions de travail

Les conditions de travail ont évolué partout depuis 20 ans mais elle vont des pas de tortues aux pas de géants.

−    Les politiques et les conditions de travail qui sont peu claires ou à l’état embryonnaire entraînent chez celles qui sont victimes d’abus un sentiment d’exploitation et d’injustice.  Pourtant, les évêques les ont maintes fois dénoncées.−    Les conditions de travail qui ne tiennent pas toujours compte des compétences des intervenantes en pastorale à différents niveaux finissent par être des sources de souffrance pour celles-ci.−    Il y a parfois du sexisme. Exemple : Dans un diocèse, un agent de pastorale s’est fait offrir un plus gros salaire même si sa conjointe travaillait; ceci parce qu’il avait une famille.  Par contre, on ne fait pas la même offre à l’agente de pastorale.

C. La violence verbale

La violence verbale n’est pas monnaie courante dans l’Église. Un certain nombre de situations rapportées invitent tout de même à la vigilance.

−    Il existe en effet un certain nombre de cas de violence verbale de prêtres envers des femmes (Lépine, 1995, 52).  Des paroles blessantes et des injures sont parfois relatées par des femmes dans leur relation de travail avec un clerc. Exemple : Une religieuse qui travaille pour un curé subit les contrecoups de sa mauvaise humeur lorsque celui-ci boit; il « l’engueule » alors de façon inacceptable. Exemple : Certaines se font engueuler par leur curé quand elles ne plient devant ses multiples exigences.

D. La violence psychologique

Cette forme de violence existe dans l’Église. Il ne faut toutefois pas généraliser ses manifestations.

La violence psychologique se traduit par différentes attitudes (Lépine, 1995, 52) :

– mépris concernant la compétence des femmes. Exemple : Des agentes de pastorale paroissiale ou scolaire appréciées par la communauté préparent une célébration bien adaptée et le prêtre la refuse sans tenir compte de la pertinence de la célébration et du travail effectué avec coeur;− mépris concernant la scolarité des femmes. Exemple : Le fait que des femmes soient parfois plus instruites en théologie suscite un malaise chez leur curé qui ne tient pas compte de leur compétence;−  maintien dans des tâches de service souvent bénévoles ou fort mai payées;  manque de respect, « dévalorisation »;−  congédiement du personnel compétent dans des situations de conflits ou de tensions;−  silence sur les causes du départ d’une employée. Exemple : Un conseil de marguilliers congédie une ménagère qui se retrouve ainsi sans le sou et dans la rue… La femme semble avoir de graves problèmes-. enfermée dans sa chambre, elle menace d’attaquer avec un long couteau de cuisine quiconque voudrait l’approcher.  Elle ne résiste toutefois pas lorsque la responsable de la région frappe à la porte de sa chambre; elle lui tombe plutôt dans les bras en pleurs, lui raconte que son fils, un jeune bien bâti, a été approché par le dit curé pour des contacts sexuels.  Elle ne veut pas témoigner contre le curé…;−   inertie pour changer les situations paralysantes qui perpétuent les inégalités;

−   étouffement des revendications.

E. Une violence subtile

Il existe, dans certaines situations, une forme de violence sournoise mais tout de même évidente.

−    Cette violence se manifeste dans ses effets chez les personnes concernées :
-crainte de perdre son emploi;
-crainte de ne pas être à la hauteur de ce qui lui est demandé;
-crainte de ne jamais pouvoir répondre aux attentes, de perdre son emploi;
-sentiment de devoir faire preuve d’une patience sans borne, de devoir être meilleure que les autres.−    Elle se manifeste aussi dans les types de tâches confiées :
Ces tâches sont souvent essentielles mais subalternes. (Lafortune, 1991 : 165)−    Dans l’Église, les femmes pratiquent entre autres beaucoup le « caring », fonction de support très importante mais officiellement inexistante. (Lafortune, 1991 : 166)−    La violence s’exprime également dans différentes attitudes, autoritarisme, paternalisme, absence de collaboration, refus de travailler en équipe, pressions verbales ou psychologiques…−    La violence s’exprime aussi par le manque de reconnaissance qu’on accorde aux femmes dans l’Église bien qu’elles y soient présentes et engagées en grand nombre :
-le prêtre a plus de visibilité qu’un agent ou une agente de pastorale;
-les femmes ont de l’influence, mais n’ont aucun pouvoir délégué;
-le champ d’action des femmes est restreint à des secteurs délimités;
-le leadership des femmes n’est pas reconnu;
-seuls les hommes dans l’Église ont du pouvoir, des droits réels et des fonctions ministérielles;
-la fonction d’agente de pastorale ne possède pas de statut social reconnu,  elle ne fait même
pas partie des statistiques officielles du pays.

Quelques faits relatés par des personnes impliquées en pastorale

−    La responsable d’un service diocésain est « invitée » à quitter son emploi, après plus de dix ans de service, pour manque de compétence.  Elle n’a jamais reçu aucune forme de supervision de son travail, elle n’a jamais été réprimandée sur sa tâche sous prétexte de ne pas lui faire de peine et on la met à pied.−     La responsable d’un service diocésain est complètement ignorée dans une intervention concernant un domaine sous sa juridiction, l’évêque ou le vicaire épiscopal agit à sa place directement sans l’informer même.−    Une femme employée dans l’Église qui subit une violence physique ou une agression sexuelle refusera de porter plainte officiellement pour conserver son emploi.−    On fait comprendre aux femmes qu’elles ne doivent pas demander plus de salaire parce que l’Église est pauvre.−   On dit aux femmes qu’elles sont mieux d’étudier au CEGEP, ainsi elles ne sont pas éligibles dans certains postes diocésains.

Bref, pour enrayer le problème social de la violence, il faudrait « une transformation en profondeur de l’ordre établi et des institutions sociales afin de développer de nouveaux rapports entre les femmes et les hommes. À problème social, solution sociale ». (Boudreau, 1995 , 15)

Ce survol des 20 dernières années nous a permis de voir des pas réalisés pour contrer les pratiques discriminatoires vécues par des femmes engagées en Église mais il en reste à faire… Malheureusement, la pauvreté et la violence ont encore, à bien des endroits, pignon sur rue.

Il serait donc important que l’Église applique avec plus d’énergie dans ses structures et son fonctionnement le message de justice, de partage, de communion, d’égalité qu’elle porte partout dans le monde.  Elle deviendrait ainsi beaucoup plus crédible aux yeux de nombreuses femmes blessées par des pratiques discriminatoires.

Pauline Jacob, 1998


RÉFÉRENCES

BELANGER, Sarah (1988).  Les soutanes roses. Montréal : Bellarmin.

BARONI, Lise, BERGERON, Yvonne, DAVIAU, Pierrette & LAGUË, Micheline (1995). Voix de femmes, Voies de passage. Montréal : Éditions Paulines.

BOUDREAU, Chantale (1995). Un grain de sable dans l’engrenage. Dans DANEAU, Michèle & al., Ensemble briser l’engrenage!, Actes du colloque Violence en héritage?, Cap-de-la-Madeleine (p. 14 23). Montréal : L’Assemblée des évêques du Québec.

CARON, Anita (Dir.), (1991). Femmes et pouvoir dans l’Église. Montréal : Éditions VLB.

CHENIER, Hélène (1997). La place des femmes dans l’Église. Le trait d’union, 10, 22-27

COMITE DES AFFAIRES SOCIALES DE L’ASSEMBLEE DES ÉVEQUES DU QUEBEC (1989). Violence en héritage? – Réflexion pastorale sur la violence conjugale. Montréal : L’Assemblée des évêques du Québec.

CONSEIL DU STATUT DE LA FEMME, GOUVERNEMENT DU QUEBEC (1993). Pour que cesse l’inévitable.

DANEAU, Michèle, DIONNE, Rita, FAFARD, Yvon, FRADETTE, Daniel, GAUMOND, Line, GODIN, Marie-Paule, HOULE, Lorraine & LAROSE, Anne-Marie (1995). Ensemble briser l’engrenage!, Actes du colloque Violence en héritage?, Cap-de-la-Madeleine. Montréal : L’Assemblée des évêques du Québec.

LAFORTUNE, Agathe (1991). Rapports sociaux des sexes et marginalisation des femmes dans l’Église. Dans CARON, Anita (Dir.),  Femmes et pouvoir dans l’Église (p. 161-180). Montréal : Éditions VLB.

LEPINE, Lucie (1995). L’héritage religieux de la violence. Relations, 608, 49, 52.

LEPINE, Lucie (1995). La violence de nos institutions religieuses. Relations, 608, 52.

PAQUETTE, Pierre (1998). Apprendre à mieux vivre ensemble. Montréal : Éditions Sciences et Culture.

ROY, Marie-Andrée(1996). Les ouvrières de l’Église. Montréal/Paris : Médiaspaul.

Jacob Pauline
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A propos Jacob Pauline

Responsable du site du réseau Femmes et Ministères de 2007 à 2024, Pauline Jacob, théologienne féministe, poursuit depuis plus de 25 ans des recherches sur l'ordination des femmes dans l’Église catholique. Elle détient un Ph. D. en théologie pratique et une maîtrise en psychoéducation de l’Université de Montréal. Autrice d'« Appelées aux ministères ordonnés » (Novalis, 2007) et coautrice de « L’ordination des femmes » (Médiaspaul, 2011), elle a à son actif plusieurs articles.
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