L’OUVERTURE DU MINISTÈRE DU LECTORAT AUX FEMMES – Réaction du réseau Femmes et Ministères

Le 26 octobre dernier le Synode des évêques (Rome, 5 au 26 octobre 2008) se terminait par la remise au Pape de 55 propositions pour mieux diffuser la Parole de Dieu dans le monde. La proposition 17 se lit comme suit: «on souhaite que le ministère du lectorat soit aussi ouvert aux femmes, de manière à ce qu’au sein de la communauté chrétienne soit reconnu leur rôle d’annonciatrice de la Parole»[1] . Au lecteur, à la lectrice revient la lecture des textes de  l’Écriture autres que l’Évangile lors des célébrations liturgiques, et celle des demandes de la prière universelle.

Le Réseau Femmes et Ministères ne peut rester insensible à la proposition car, bien que surprenante au premier abord,  elle rejoint son principal objectif: travailler à la reconnaissance officielle des ministères exercés par les femmes. Faire écho à la proposition, c’est, d’une part, exprimer de l’étonnement et, d’autre part, présenter les termes du débat qu’elle suscite.

Étonnante proposition!   

«On souhaite que le ministère du lectorat soit ouvert aussi aux femmes» tel est le vœu exprimé par les  évêques. Le souhait étonne tant il semble éloigné de la réalité vécue au sein des communautés chrétiennes de par le monde. Voilà longtemps que, lors de célébrations eucharistiques, les lectures sont faites par des femmes, y compris dans la basilique Saint-Pierre. Même lors de la cérémonie de clôture du Synode, la première lecture en français n’a-t-elle pas été confiée à une femme congolaise, sœur Euphrasie Beya?

Faut-il comprendre que la proposition suggère d̓entériner de façon officielle une situation de fait? Peut-être bien. À moins qu’il s’agisse, comme l’ont affirmé quelques journalistes, «d’une proposition des plus innovantes (sic[2] , «d’une vraie nouveauté»[3] . Cet enthousiasme est difficile à saisir, et plus encore à accepter pour un grand nombre de personnes. Serait-ce que la portée de la  proposition échappe à un certain nombre de personnes qui préfèrent plutôt en rire que d’en pleurer?

De quoi s’agit-il au juste?

À priori, rien de bien neuf dans ladite proposition, et pourtant elle marque un pas en avant, bien que timide, faut-il aussitôt s’empresser d’ajouter. Pour la première fois, il s’agit de reconnaître de manière stable un ministère aux femmes, ce qui jusqu’ici n’existe pas dans l’Église catholique romaine. Une décision qui s̓inscrit dans la volonté du concile Vatican Il de renforcer la place des laïques lors des célébrations liturgiques. À cette fin, en 1972, Paul VI transforma les  deux anciens «ordres mineurs», le lectorat et l̓acolytat (service de l’autel) en ministères institués.[4]

Ce statut des ministères institués les différencie des ministères ordonnés (diaconat, presbytérat, épiscopat). Toutefois, comme eux, le lectorat «est réservé aux hommes, conformément à la vénérable tradition de l’Église»[5] . Si telle est la législation, alors comment expliquer le fait qu’un grand nombre de femmes assurent ce ministère au sein des communautés chrétiennes? Elles le font de manière ponctuelle, non instituée, rétorque-t-on[6] . Autrement dit, c’est toujours à titre temporaireque les femmes exercent ce ministère, car elles n’ont pas reçu un mandat officiel de l’autorité ecclésiale.

Suivant cette perspective, les évêques du Synode auraient donc fait preuve d’ouverture en direction des femmes en réclamant le ministère institué du lectorat pour les femmes. Une légère ouverture, il est vrai, mais ouverture tout de même! Faut-il encore que le Pape retienne la proposition! Le suspense sera levé au moment de la publication de l’exhortation post-synodale portant sur La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église, c’est-à-dire pas avant 12 ou 18 mois.

Ambivalent, le motif invoqué

Pour étayer leur proposition, les évêques invoquent un motif déroutant, d’une part, et prometteur d’autre part: on souhaite que le ministère du lectorat soit aussi ouvert aux femmes, de manière à ce qu’au sein de la communauté chrétienne soit reconnu leur rôle d’annonciatrice de la Parole.

1) Motif déroutant: un mandat attribué par  la communauté

Reconnaître aux femmes leur rôle d’annonciatrice de la Parole[7] , est-ce bien là une prérogative qui appartient à la communauté chrétienne? «Annoncer la Parole de Dieu», n’est-ce pas plutôt une  responsabilité baptismale dévolue à tout baptisé/e que le synode a d’ailleurs rappelé? La communauté n’a donc pas à officialiser une tâche inhérente à la condition baptismale. Par contre, il appartient à l’autorité compétente de confier un mandat officiel en ce qui concerne les ministères, en l’occurrence celui du lectorat. 

2) Motif prometteur: un ministère de la Parole

«Le ministère de la Parole et les femmes», c’est sous ce titre que se loge la proposition 17. À cet égard, il recoupe le sens profond de l’expression «annoncer la Parole». Car ce verbe signifie, dans le Nouveau Testament,  «proclamer l’Évangile» et aussi «le commenter» et «le prêcher» ou «l’expliquer» aux gens.  Il s’ensuit, que le ministère de la Parole est plus large que  le ministère du lectorat.

Est-ce en raison du recoupement possible des expressions «leur rôle d’annonciatrice de la Parole» et  «le ministère de la Parole» qui a conduit un certain nombre d’évêques à rejeter la proposition? Il est permis de le croire. Car on rapporte qu’un bon nombre d’évêques furent effrayés devant la teneur de la proposition. Les résultats de la votation vont dans ce sens: 45 non et 3 abstentions, c’est le nombre le plus élevé de non obtenu pour une proposition en comparaison des 54 autres qui ont reçu moins de 5 non selon les cas.[8]

Le contexte dans lequel prend place la proposition milite en faveur de l’hypothèse émise.  Il est dit que «Les pères synodaux reconnaissent et encouragent le service des laïcs dans la transmission de la foi. Les femmes, en particulier, jouent un rôle indispensable surtout dans la famille et dans la catéchèse. En effet, elles savent susciter l’écoute de la Parole, la relation personnelle avec Dieu et transmettre le sens du pardon et du partage évangélique». Si tels sont les fruits de l’enseignement des femmes, en toute logique, les chrétiennes devraient être autorisées à  exercer le ministère de la Parole.

Faut-il considérer comme «une tentative pathétique de la part du Synode pour résoudre la contradiction dans une Église qui ne veut pas donner une égale responsabilité dans les ministères aux femmes et aux hommes», ainsi que le soutient Maria Caterina Jacobelli, une théologienne catholique italienne?[9] Poser la question, c’est y répondre. Si bien que parler d’une longue marche à parcourir, pour les chrétiennes,  n’est pas une figure de style, mais bel et bien la réalité d’un défi à relever au nom même de l’Évangile.

Position du Réseau Femmes et Ministères

En regard de l’éventuelle acceptation de la proposition 17 par le Pape, le Réseau Femmes et Ministères ne pourra que s’en réjouir et, du même souffle, souhaiter ardemment que l’ouverture manifestée, autoriser les femmes à recevoir le ministère du lectorat, se déploie de façon encore plus grande en direction du ministère de la ParoleCommenter la Parole de Dieu, l‘expliquer aux gens et l’actualiser, des tâches qui, avant d’être exercées, requièrent une formation adéquate tant pour les hommes que pour les femmes. Ces dernières sauront ainsi faire bénéficier, entre autres,  les communautés chrétiennes de leur aptitude «à susciter l’écoute de la Parole, la relation personnelle avec Dieu et à transmettre le sens du pardon et du partage évangélique», pour reprendre ici le jugement porté sur les femmes par  les évêques du Synode.


NOTES

 [1] La traduction française est empruntée au site de Zenit en date du 14 novembre 2008: www.zenit.org/index.php?l=french.

[2] L’Express, 26/10/2008 et le Nice Matin 26/10/2008.

[3] Radio-Vatican, 28/10/2008.

[4] PAUL VI, «Lettre apostolique en forme de Moto proprio Ministeria quaedam », dans La Documentation catholique, n. 1617(1972), p. 853.

[5] PAUL VI, «Lettre apostolique en forme de Moto proprio Ministeria quaedam », n. VII, p. 854. C’est nous qui employons les caractères gras.

[6] Voir Le Code de droit canonique, n. 230.

[7] En ce point précis, intervient une question de traduction. Avant que n’apparaisse la traduction française proposée par Zenit, la proposition 17 se lisait comme suit dans les différentes publications: «On souhaite que le ministère du lectorat soit ouvert aussi aux femmes, de façon à ce que, dans la communauté chrétienne, on reconnaisse leur rôle d’annonciatrice de la Parole». D’après un théologien italien consulté, le présent texte est fidèle à la traduction italienne du texte latin, la seule autorisée, sans être officielle cependant.

[8] Le synode en chiffres: 253 évêques et cardinaux; 6 délégués de France; 78 experts et auditeurs, dont 26 femmes.

[9] Cité par Luigi SANDRI dans “Bid to make women ‘announcers’ of Gospel stirs debate”, dans Ecumenical News International sur le site http:// www.disciplesworld.com/newsArticle

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