Marchant ensemble, des femmes s’éloignent de l’Église

Le Vatican a publié l’autre jour la liste des participants et des participantes au prochain Synode de la région panamazonienne. Les 185 droits de vote au Synode appartiennent tous à des hommes.

Il y a un laïc ayant droit de vote, l’Équatorien Miguel Angel González Antolín, frère de la Sainte Famille, l’un des 15 membres nommés par l’Union des supérieurs généraux. Les 10 religieuses nommées par l’Union internationale des supérieures générales [UISG] sont dans les derniers rangs avec 45 autres auditeurs et auditrices.

Je comprends! C’est un synode d’évêques après tout. Mais, en théorie du moins, les supérieures générales des communautés religieuses féminines sont égales aux évêques. Comme les évêques diocésains, les supérieures ont juridiction sur des centaines de femmes et contrôlent des millions de dollars en fonds et en biens. L’Union internationale des supérieures générales compte quelques 1 500 membres qui sont responsables de plus de 650 000 religieuses et veillent à l’authenticité des œuvres caritatives et à la vie ministérielle de l’Église en marche. Pourtant, aucune d’elles n’est membre votante du Synode.

Ça n’a pas toujours été comme ça. Il y a plusieurs années, les aptitudes, l’intelligence et l’autorité juridique des femmes étaient respectées.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il y avait des abbesses qui détenaient une juridiction ecclésiastique absolue sur le peuple et les terres de leur abbaye territoriale. Ces abbesses avaient la même autorité que les évêques. Elles donnaient aux prêtres l’autorisation d’entendre les confessions, de célébrer la messe et de prêcher. Elles nommaient des aumôniers et des curés; elles supervisaient les procédures juridiques de l’Église; elles s’assuraient de la bonne tenue des élections des supérieurs religieux. Bref, ces abbesses supervisaient tout ce qui se trouve sous la juridiction de votre évêque aujourd’hui. Pendant 700 ans, les papes successifs ont reconnu, voire accru, leur autorité, notamment en France, en Italie, en Espagne et en Suède.

Le pape Pie IX, pape de l’infaillibilité papale et du concile du Vatican I, mit fin à tout cela en 1873 avec une bulle intitulée Quae diversa ou « Différences ». Pie IX, le pape au plus long pontificat de l’histoire, a été élu à l’âge de 54 ans et est décédé à l’âge de 85 ans. Il a été béatifié par le pape Jean-Paul II en 2000 après des années de controverses au cours desquelles sa cause de canonisation a été fermée plus d’une fois.

Aujourd’hui, les catholiques de droite qui préfèrent les éléments archaïques de l’Église, en particulier la messe en latin, manifestent une colère irrespectueuse face aux initiatives du pape François. Bien que François ne s’écarte d’aucune doctrine de l’Église, ceux-ci présentent leurs points de désaccord par le biais de divers blogues, sites Web, journaux, chaînes de télévision et stations de radio. François, par exemple, ne « prône » pas la communion des catholiques divorcés et remariés civilement, mais des commentateurs de droite en colère disent que son approche pastorale le fait. De plus, l’extrême droite semble penser que le monde prendra fin si un homme marié est ordonné prêtre latin et ce, malgré le caractère uniquement disciplinaire du célibat ecclésiastique et le fait que plusieurs centaines de prêtres latins sont mariés dans le monde. Quant à ordonner des femmes comme diacres, n’y pensez même pas! L’aile droite ignore les ordinations sacramentelles historiquement documentées concernant les femmes diacres, les liturgies utilisées, les témoignages littéraires et même l’inscription « diacre » retrouvée sur certaines pierres tombales.

Sous tout ce feu et cette fumée se cache une misogynie flagrante héritée de l’imaginaire de la droite selon laquelle la façon de faire de jadis est celle qui devrait encore exister. La misogynie est réelle. L’histoire raconte que les papes et les évêques se plaignaient de la présence de femmes à l’autel en utilisant le même raisonnement que celui utilisé contre les prêtres mariés : les femmes sont impures et ne peuvent être près du sacré. De plus, les femmes sont stupides, comme l’exprimait Bernard de Botone, canoniste italien du XIIIème siècle. Il affirmait que les femmes ne pouvaient pas être excommuniées parce qu’elles étaient trop stupides pour comprendre la loi.

Les hommes d’Église croient-ils encore cela?

Certes, la grande majorité des hommes participant au Synode en tant que membres votants, auditeurs ou experts sont des personnes instruites et cultivées. Mais le son des tambours des riches conservateurs doit résonner fort dans leurs oreilles. Des femmes diacres? Des prêtres mariés? De bonnes solutions pour subvenir aux besoins de l’Église en Amérique du Sud et dans le monde entier. Mais aussi des solutions pour rendre quasi hystériques ces voix minoritaires, mais tout de même très fortes.

L’Église pourrait très bien être près d’un point de rupture. La droite catholique est déjà schismatique alors qu’elle nie l’autorité enseignante du pape. Pourtant, si le Synode ne recommande pas le diaconat pour les femmes et le mariage des prêtres, ce pourrait être la fin de la partie.

Le schisme dont il faut s’inquiéter est celui où toutes les femmes quitteraient l’Église.

Phyllis Zagano
Le 23 septembre 2019

Texte traduit par Pauline Jacob et Michel Goudreau et reproduit avec les permissions requises.
Version originale publiée dans le National Catholic Reporter

Phyllis Zagano
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A propos Phyllis Zagano

Titulaire d'un poste de recherche et professeure adjointe de religion à l'Université Hofstra (Hempstead, NY), Phyllis Zagano, Ph. D., est lauréate de nombreux prix. Membre de la Commission pontificale pour l'étude du diaconat des femmes, conférencière reconnue, elle est l'auteure de plusieurs livres et articles, entre autres, « Femme diacres. Hier, aujourd’hui et demain » (Novalis, 2018) écrit en collaboration. Elle a une chronique dans le « National Catholic Reporter ».
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3 réponses à Marchant ensemble, des femmes s’éloignent de l’Église

  1. Georgette Beaudry directrice formation pastorale dit :

    Bravo, je suis tout à fait d’accord. Ensemble osons poser des gestes qui vont vraiment changer des mentalités qui perdurent au détriment de la moitié de la population. n’est-ce pas nous qui donnons la vie?

  2. Marcel Gagnon, retraité de l'enseignement et fier de sa foi dit :

    Le plus grand mal de l’Église actuelle, c’est le cléricalisme : ce pouvoir des clercs sur les laïcs dont on ne trouve aucune trace dans les Évangiles. Dans l’Église, cela amène des divisions entre hommes et femmes, entre hommes laïcs et hommes consacrés. Ce qui faisait des apôtres et des premiers chrétiens une communauté de partage, c’est qu’ils mettaient tout en commun. Aujourd’hui, quand je vois des évêques empêcher des femmes de faire des célébrations de la Parole sans communion, de faire des homélies à leur place; c’est qu’ils n’ont rien compris au message de Jésus. En cette période où les vocations sont en chute libre, c’est l’exemple parfait qui confirme que nos évêques abandonnent la communauté pour protéger leurs privilèges, conserver leur pouvoir sur les fidèles. Quand un évêque décide que désormais les célébrations de la Parole présidées par des laïcs devront se faire sans communion, et la plupart du temps sans consulter les personnes visées, c’est ce que j’appelle «abandonner sa communauté».

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