Une ekklésia de personnes égales : rêve ou réalité?

Dans la suite de la conférence de Denise Couture sur le thème Au-delà des murs…ouvrir une brèche, réaliser nos rêves…, donnée le 18 novembre 2017 à Québec, je propose quelques éléments de réflexion sur l’exercice du pouvoir qui perpétue, sous une forme ou une autre, les inégalités et les injustices entre les personnes.

Former une ekklésia : rêve ou réalité?

Je m’attarderai, dans ce texte, à la troisième partie de l’exposé de la conférencière qui portait sur les moyens à prendre pour parvenir à former une ekklésia de personnes égales. Certains considèrent, sans doute, qu’il s’agit là d’une vision déconnectée de la réalité. Le douloureux spectacle des guerres et des conflits de tous genres entre les humains pourrait sans doute leur donner raison, du moins en partie. Serait-ce, par conséquent, une « folie », que de porter dans nos coeurs ce désir de voir advenir un monde meilleur? Si tel était le cas, le Royaume annoncé par Jésus serait lui aussi une utopie!

De quelle ekklésia s’agit-il?

Avant toute chose, il faut approfondir et préciser davantage ce qu’on entend par ekklésia. Cette Église renouvelée différera certes du modèle traditionnel où les femmes sont exclues des fonctions sacerdotales. Cela étant, qui donc en fera partie? Sera-t-elle érigée par l’action des femmes seulement? Ou par une action commune et concertée des femmes et des hommes? Un changement de paradigme s’impose immédiatement à l’esprit. Car, comment établir et maintenir ce pont entre des forces inégales, entre des hommes et des femmes dont la pensée religieuse et spirituelle peut différer sensiblement? En effet, trop d’hommes croient encore que le domaine religieux est réservé aux femmes. Quant aux autorités religieuses actuelles, elles préfèrent tergiverser dans l’espoir que tout rentrera dans l’ordre avec le temps. Dès lors, comment déconstruire ces mythes qui remontent loin dans l’histoire? Comment sortir de ce dilemme sans provoquer des déchirements profonds dans l’Église que nous aimons? Il n’en demeure pas moins que le présent demeure lourd à porter pour les femmes.

Reconnaître les mythes coriaces et destructeurs

La question, selon moi, pourrait se formuler ainsi : comment faire en sorte que les hommes et les femmes puissent parvenir à créer les conditions favorables à un rétablissement de l’égalité véritable entre les êtres? Denise Couture a bien abordé cet aspect de la question, mais il n’en demeure pas moins que, pour plusieurs hommes, cette notion d’égalité devrait être davantage précisée, car ce sont d’abord les hommes qui doivent prendre conscience de leur agir. Qui doivent se rendre compte du fossé qui les sépare des féministes sur les plans spirituel et religieux! Qui doivent accepter de comprendre l’effort exigé d’eux pour combler ce fossé. Plusieurs hommes diront, en effet, que les féministes se plaignent inutilement, car l’égalité entre tous les êtres humains est déjà consacrée par les différentes chartes des droits et libertés. Quant aux « hommes d’Église », ils préfèrent s’en remettre au poids contraignant de la tradition et des études scripturaires qu’ils interprètent comme une preuve de la justesse de leur vision de la place des femmes dans l’Église.

Comment faire ekklésia sans se perdre?

Le fossé est profond, comme nous pouvons le constater, et il perdurera si nous ne parvenons pas à définir exactement ce que nous entendons par égalité entre les genres. Mais de quelle égalité parlons-nous? Cette égalité est déjà marquée par des différences dès la naissance et elle tend à se renforcer rapidement par la suite! Se pose donc, pour les hommes, le défi de prendre conscience de leur attitude à l’égard des questions d’ordre religieux et de changer leurs façons d’agir sans avoir l’impression de perdre quelque chose. Il faut voir aussi de quelle manière les femmes, conscientes du pouvoir qu’elles possèdent, peuvent agir concrètement dans leurs milieux respectifs. Comment peuvent-elles contrer les différentes « lignes de force » dont parle Denise Couture, « lignes de force » qui nous traversent l’esprit et le corps chaque jour et nous portent souvent à la désespérance?

Demeurer sous l’emprise du pouvoir ou s’en libérer?

Les femmes tout autant que les hommes doivent prendre conscience de leur relation au pouvoir, parfois insidieuse, dans la vie de tous les jours. Car tout est là : le pouvoir ne se laisse pas aller facilement et demeure fort attirant; c’est un instrument extrêmement rassurant, en particulier pour les faibles qui le possèdent! Denise Couture mentionne même que le « péché des femmes » résiderait trop souvent dans la volonté de « reproduire la domination kyriarcale, entre autres à travers la figure de la mère contrôlante ».

La réponse libératrice de Jésus

Comment sortir de ce dilemme qui nous paralyse tous? Comment les femmes et les hommes peuvent-t-ils se rejoindre sur le plan de la vie spirituelle? Ne faudrait-il pas revenir à l’essentiel? Cette prise de conscience devrait nous ramener toutes et tous aux fondements de notre foi et de nos valeurs; mettre en lumière la manière avec laquelle Jésus, qui ne possède aucun pouvoir terrestre, intervient auprès des femmes pour bien marquer leur égalité et les rétablir dans leur dignité de femmes. C’est un appel aux femmes et aux hommes de bonne volonté de s’approprier les multiples actions de libération effectuées par Jésus et qui parsèment les Évangiles et les Actes des apôtres. Jésus est, en effet, le Grand Pontife (du latin pontifex, « faiseur de ponts ») qui peut réconcilier ce qui semble irréconciliable à nos yeux d’humains. Ce sont là des gestes qui permettraient aux hommes et aux femmes d’entrer en communion, dans une autre dynamique que celle de la confrontation des pouvoirs, soit celle de l’Amour, qui nous unis toutes et tous en Jésus.

Yvan Lajoie
Québec, le 13 avril 2018

 

Yvan Lajoie
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A propos Yvan Lajoie

Yvan Lajoie est titulaire d’une maîtrise en littérature de l’Université Laval. Il a aussi étudié en théologie. Retraité de la fonction publique du Québec, où il a poursuivi une carrière de rédacteur et d’agent de recherche, il s’intéresse aux questions religieuses et sociopolitiques, en particulier à la question de l’égalité des genres dans la société. Il habite Québec et est membre de son conseil de quartier. Il collabore à Femmes et Ministères.
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