33 ans au service de l’Église!

Ce texte se veut le témoignage d’une femme de 60 ans qui travaille dans l’Église catholique depuis le milieu des années 80. Mon propos n’est pas une réflexion sociologique ni théologique. C’est le fruit de l’expérience réelle et concrète d’une praticienne qui se débat au quotidien avec les difficultés, les défis, les espérances et les tentatives heureuses et moins heureuses de ce célèbre « faire autrement » sur un terrain ecclésial en pleine mutation. C’est aussi le témoignage d’une femme têtue qui croit encore en un monde meilleur selon le désir de Dieu et dans une institution qui peut y apporter une contribution significative dans la mesure où elle accepte de changer.

Survol de mon expérience pastorale.

Depuis 33 ans, je suis agente de pastorale dans mon Église diocésaine. J’ai commencé en 1979 comme bénévole dans ma paroisse. À 27 ans j’y ai découvert mes talents d’animatrice et d’organisatrice. Il faut dire que mes études en service social m’y avait bien préparée. Puis, je suis tombée en amour avec la théologie. Des études dans ce domaine m’ont permis d’approfondir ma foi, d’en saisir les parcours et de devenir de plus en plus adulte dans cette foi en Jésus Christ. Un petit groupe de croyants et croyantes, réunis en communauté de base, m’a fait découvrir sous un angle nouveau la communauté de foi et m’a donné envie de m’y engager avec toute la fougue de mes 18 ans.

En 33 ans, il s’est passé beaucoup de choses. D’animatrice de pastorale auprès d’enfants se préparant aux sacrements de l’initiation chrétienne, j’ai assumé la coresponsabilité d’une paroisse avant d’accéder à la direction diocésaine de la pastorale scolaire, à l’animation de régions pastorales, à la direction de la formation à la vie chrétienne et, enfin, à la formation initiale des agentes et agents de pastorale. Des premières responsabilités jusqu’à celles que j’occupe actuellement, que de changements et de défis! Je dirais même que ce qui a scandé mes années d’engagement en Église ce sont les incessants changements.

Des changements, encore et encore des changements!

Non, je ne suis pas nostalgique pour autant… C’est tout simplement un fait. Dès mon engagement en Église, j’ai eu à vivre un changement important, celui du passage de la préparation sacramentelle de l’école à la paroisse. Puis ce fut la fin de l’animation pastorale scolaire. Soixante personnes licenciées, majoritairement des femmes. Chanceuse que j’étais, j’assumais depuis deux ans le service diocésain qui lui était dédié. Par la suite, les changements n’ont jamais cessé. Mais, pourquoi tant de changements, d’où sont-ils venus? Du monde, de la société en mutations, aussi d’une Église en recherche. Tout simplement. Puis ce fut au tour de l’enseignement religieux de se faire montrer la porte de sortie. Comprenez-moi bien, je ne dis pas ça avec nostalgie, bien au contraire. Je suis persuadée que la société québécoise devait passer par là… et l’Église du Québec aussi. Et, j’ai travaillé beaucoup plus ardemment pour préparer et imaginer la suite que pour pleurer le passé.

Aujourd’hui, les défis sont toujours aussi nombreux et variés. Il y a ces adultes désirant la confirmation, cette nouvelle génération de parents voulant que leur enfant soit baptisé, ces familles vivant un deuil, ces adultes voulant redécouvrir la foi en Christ et comprendre les textes bibliques. Tout ça avec moins de personnel, moins de ressources financières, des bâtiments vétustes et des Assemblées de fabrique davantage préoccupées de leur lieu de culte et de l’heure de leur messe que par la mission pastorale elle-même.

Il y a aussi les défis qu’on n’arrive pas à relever. Je pense à ces personnes réengagées dans une nouvelle union, à ces personnes homosexuelles, à ces femmes qui ont dû faire le choix d’interrompre une grossesse, à ces personnes appauvries sur divers plans. Toutes ces personnes voudraient tant que l’Église ne leur jette pas de pierres trop rapidement mais les accueille et les aide…

Il y a aussi le pouvoir religieux abusif que Jésus a tant pourfendu, ce pouvoir qui n’est pas toujours au service des autres, mais de soi-même. Pensons à ces ministres ordonnés qui se croient au-dessus de tous et de tout, à ceux qui recherchent les privilèges, à ceux qui profitent de leur position et à tous ceux qui voient la paille dans l’œil de l’autre, mais pas la poutre qui les aveugle.

Vers un changement en profondeur

Nous n’en n’avons pas fini avec les changements ! Je crois même que nous n’avons encore rien vu. Mais, je suis profondément convaincue que nous nous approchons de changements plus profonds et plus essentiels. Car, tous ces changements nous ont permis de creuser toujours plus profondément, en nous personnellement et en nous communautairement jusqu’à toucher d’un peu plus près l’essentiel du moi chrétien, du nous ecclésial et de la mission évangélique. Nous nous approchons du cœur même de la foi et de ce qu’on appelle l’Église ou la communauté chrétienne. Le pape François n’est pas étranger à ce travail en profondeur. Dans La joie de l’Évangile, il nous a rappelé l’essentiel de la foi, du comportement chrétien et de la mission pastorale. Il en a même profité pour nous «varloper» gentiment en passant.

Arriverons-nous enfin à changer assez pour nous approcher le plus près possible de la communauté de disciples que Jésus a tant souhaité? Les changements que les croyants, croyantes et l’Église ont vécu au Québec, et ailleurs, nous ont amené à réfléchir, à nous questionner, à trier le bon grain de l’ivraie, à redécouvrir l’essentiel et à laisser aller le superflu. Tous ces changements ont été provoqués par des mutations profondes dans la société québécoise et dans le monde en général. Pour relever les défis que ces changements suscitent et affronter ceux qui viendront il faut que les groupes et les personnes apportent leur contribution : les théologiennes et théologiens, les biblistes, les groupes de femmes, les groupes de défenses des droits des minorités; toi, moi, elles et eux. Chaque personne désirant se rapprocher du Christ et honorer sa mémoire contribue, chacune à sa façon, à RE-découvrir la perle que nous avions perdue de vue. J’ai rencontré plusieurs de ces personnes tout au long de mes 33 années de vie pastorale. Elles ont été soit évêque, théologienne, ingénieure, pompier, psychologue, diacre et agente de pastorale. Chacune de ces personnes m’ont inspirée et encouragée à poursuivre. Chacune de ces personnes ont été une source d’espérance, de joie et de sérénité. À travers elles j’ai reconnu l’Esprit à l’œuvre.

Oui, bien sûr il reste encore beaucoup à faire. Oui, il reste encore beaucoup de choses à changer et Dieu sait que c’est difficile, (et le pape François aussi), mais Jésus ne nous a-t-il pas montré qu’après la Croix il y a une Vie en abondance. C’est ma foi et moi, j’y crois encore!

Saint-Jérôme, le 28 mars 2017

Les derniers articles par Lise Leclerc (tout voir)

A propos Lise Leclerc

Engagée en Église depuis 60 ans et agente de pastorale depuis 33 ans, formée en service social et en théologie, Lise Leclerc est actuellement directrice de la Formation à la vie chrétienne et responsable de la Formation initiale et continue dans le diocèse de Saint-Jérôme tout en étant animatrice des zones pastorales de Lachute, Sainte-Thérèse et Saint-Jérôme.
Ce contenu a été publié dans Les propos de.... Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à 33 ans au service de l’Église!

  1. Michel Couillard dit :

    Votre texte est un beau résumé de ce qui se passe dans l’Église du Québec. Mais surtout, il est une touchante profession de foi qui conforte la mienne.
    Merci.

  2. Pierrette Daviau dit :

    Merci Lise pour ce témoignage authentique! Il traduit bien ce qui s’est vécu en Église depuis 30 ans. Ce sont des femmes de foi comme toi ont porté au quotidien l’Esprit de l’Évangile à travers ces divers lieux et espaces transformés de la société quévécoise.

  3. Pierrette Poirier dit :

    Comme vous, je pense qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour faire vraiment place à Jésus Christ dans nos structures ecclésiales, pour donner sens à tout ce que nous disons. Les 2 petits mots: je crois, que résonnent-ils en nous?

  4. Mireille Beauchemin dit :

    Bravo Lise pour ce beau témoignage!

    Je reconnais bien dans celui-ci la femme lucide et engagée, la grande croyante, la femme remplie d’espérance qui travaille sans relâche pour rendre notre Église plus vivante, la femme sur qui on peut compter et surtout qui fait une différence au sein de cette Église!

    Merci pour ton engagement indéfectible!

    Mireille Beauchemin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.