Soeur Christine Vladimiroff, osb, une femme qui a défendu ses convictions face au Vatican

Christine VladimiroffSoeur Christine Vladimiroff, osb, est décédée le jeudi 25 septembre 2014, à l’âge de 74 ans, des suites d’une longue maladie, au monastère Mount St. Benedict à Erie en Pennsylvanie. Originaire d’Erie, elle avait rejoint la communauté bénédictine en 1957 et prononcé ses vœux monastiques perpétuels en 1962. B, 74, mort au Mont monastère Saint Benoît, Erie, Pennsylvanie, le jeudi 25 Septembre 2014, après une longue maladie

Christine Vladimiroff était une femme forte, brillante, une femme accomplie. Elle détenait un doctorat en philosophie de la Universidad Internacional de Mexico. Éducatrice née, elle fut professeure et administratrice dans des maisons d’enseignement aux niveaux élémentaire, secondaire et collégial. Elle a également servi comme coordonnatrice multiculturelle (1981-1983) et comme secrétaire à l’éducation dans le diocèse de Cleveland (1983-1991).

Sa préoccupation du problème de la faim vécue par ses élèves l’ont conduite à chercher des solutions et à s’engager à ce niveau. Son implication est à la base de sa nomination comme présidente et directrice générale du Réseau national des banques alimentaires [Second Harvest National Food Bank Network] à Chicago en 1991. Elle a occupé cette fonction jusqu’à son élection comme prieure de la communauté Érié en 1998.

Christine Vladimiroff s’est fait connaître en 2001 pour sa prise de position alors qu’elle était prieure. Elle avait alors refusé de suivre la directive vaticane lui demandant d’interdire à Joan Chittister, une membre de sa communauté, de participer au congrès du Women’s Ordination Worldwide [WOW] militant pour l’ordination des femmes. Voici le communiqué de presse qu’elle avait alors rédigé :

Depuis trois mois j’ai été en pourparlers avec des responsables du Vatican au sujet de la participation de sœur Joan Chittister au congrès du Réseau mondial pour l’ordination des femmes [WOW] du 29 au 31 juin à Dublin en Irlande. Le Vatican trouvait que cette participation était en contradiction avec le décret (Ordinatio Sacerdotalis) selon lequel l’ordination presbytérale ne sera jamais conférée aux femmes dans l’Église catholique romaine et ne devait donc pas faire l’objet de débats. Le Vatican m’a donné l’ordre d’interdire à sœur Joan la participation au Congrès à l’intérieur duquel elle devait agir comme une des principales intervenantes.

J’ai discuté de longues heures avec sœur Joan et suis partie à Rome pour dialoguer sur le sujet avec les autorités du Vatican. J’ai cherché conseil auprès d’évêques, de responsables religieux, de spécialistes en droit canon, auprès d’autres prieures et surtout auprès de ma communauté religieuse, les Soeurs bénédictines d’Erie. J’ai passé plusieurs heures en prière communautaire et personnelle sur ce sujet.

Après beaucoup de réflexion et de prières, je suis parvenue à la décision d’opposer un refus à la requête du Vatican. C’est à partir de la tradition bénédictine ou monastique de l’obéissance que j’ai pris ma décision. Il existe une différence fondamentale entre la conception de l’obéissance selon la tradition monastique et celle qui est utilisée par le Vatican pour exercer pouvoir et contrôle et pour produire une impression de fausse unité inspirée par la peur. L’autorité et l’obéissance bénédictines se construisent à travers le dialogue entre un membre de la communauté et sa prieure dans un esprit de coresponsabilité. Le rôle de la prieure dans une communauté bénédictine est d’être une guide dans la recherche de Dieu. Bien que vécue en communauté, la recherche demeure la responsabilité de chaque personne.

Soeur Joan Chittister qui a vécu cinquante ans de vie monastique dans la foi et la fidélité doit prendre elle-même sa propre décision fondée sur sa conception de l’Église, sa profession monastique et son intégrité personnelle. Je ne dois pas accepter d’être utilisée par le Vatican pour transmettre des ordres de réduction au silence.

Je ne considère pas sa participation à ce congrès comme une « source de scandale pour les fidèles », comme l’affirme le Vatican. Je pense plutôt que les fidèles peuvent être scandalisés lorsque sont interdites des tentatives honnêtes pour discuter de questions importantes pour l’Église.

J’ai fait part de ma décision à la communauté et j’ai lu la lettre que j’allais envoyer au Vatican. 127 des 128 membres de la congrégation des Sœurs bénédictines d’Erie ayant la faculté de le faire ont librement donné leur appui à cette décision en ajoutant leur signature à cette lettre. Sœur Joan a parlé à ce Congrès avec la bénédiction des Sœurs bénédictines d’Erie.

Ma décision ne doit en aucun cas être comprise comme un manque de communion avec l’Église. J’essaie d’être fidèle au rôle joué dans l’Église par une tradition monastique vieille de 1500 ans. Notre tradition remonte aux Pères et aux Mères du désert du IVe siècle qui vivaient en marge de la société afin d’être une présence de prière, une présence qui suscite des questions tant dans l’Église que dans la société. Les communautés bénédictines d’hommes et de femmes n’ont jamais voulu être partie intégrante du statut hiérarchique et clérical de l’Église, mais se tenir à l’écart de cette structure pour offrir une voix différente. Ce n’est qu‘en agissant ainsi que nous pouvons vivre le don que nous sommes pour l’Église. Ce n’est que de cette manière que nous pouvons être fidèles à l’apport des femmes à l’Église.

Après la fin de son deuxième mandat comme prieure en 2010, Christine Vladimiroff est devenue directrice générale du Centre éducationnel Saint-Benoît [Saint-Benoît Education Center], un ministère de sa communauté à Erie qui forme à l’emploi et fournit les compétences linguistiques aux participants, le plus souvent des réfugiés nouvellement arrivés.

En plus des engagement dans sa communauté, Christine Vladimiroff fut également présidente de la Conférence des prieures bénédictines américaines (2009-2013), présidente (2004-2005) et membre de l’équipe de direction (2003-2006) de la Leadership Conference of Women Religious [LCWR] et déléguée de Communio Internationalis Benedictinarum [CIB] [Organisation internationale du des Bénédictines]

En plus de nombreuses adhésions et affiliations professionnelles, elle a reçu, tout au long de ses nombreuses années de ministère et de service, différents prix et reconnaissances. Plus récemment, elle a été honorée comme « fille éminente de Pennsylvanie » [Distinguished Daughters of Pensylvania] (Prix du Gouverneur, 2013).

Femme d’une qualité exceptionnelle, Christine Vladimiroff a été un modèle pour plusieurs non seulement par son sens du service,mais aussi sa droiture, sa détermination, son courage. Elle a transmis le meilleur d’elle-même à ceux qu’elle a servis : étudiants, réfugiés, pauvres, affamés sans oublier sa communauté. Elle a enseigné que la vie doit être vécue pleinement avec joie et pour la plus grande gloire de Dieu (Brugger Funeral & Crematory, LLP, 2014).

Pauline Jacob,
Asbestos, 20 octobre 2014

Sources :

Brugger Funeral & Crematory, LLP (2014). Sister Christine Vladimiroff, OSB, January 12th, 1940 – September 25th, 2014, [en ligne]. [https://www.bruggerfuneralhomes.com/obituaries/9656] (20 octobre 2014)

Roberts, Tom (2014, 30 septembre). Benedictine Sr. Christine Vladimiroff dies. Global Sisters Report, [en ligne]. [http://globalsistersreport.org/news/benedictine-sr-christine-vladimiroff-dies-11771] (20 octobre 2014)

Vladimoroff, Christine (2001). Statement of Sister Christine Vladimoroff, Prioress of the Benedictine Sisters of Erie. Brothers and sisters in Christ [B.A.S.I.C.], [en ligne][http://www.iol.ie/~duacon/wow2001/benedict.htm] (20 octobre 2014)

Vladimoroff, Christine (2001). Communiqué de presse rédigé de Soeur Christine Vladimoroff, osb. Brothers and sisters in Christ [B.A.S.I.C.], [en ligne]. [http://www.iol.ie/~duacon/wow2001/benedifr.htm] (20 octobre 2014)

 

Jacob Pauline
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A propos Jacob Pauline

Responsable du site du réseau Femmes et Ministères de 2007 à 2024, Pauline Jacob, théologienne féministe, poursuit depuis plus de 25 ans des recherches sur l'ordination des femmes dans l’Église catholique. Elle détient un Ph. D. en théologie pratique et une maîtrise en psychoéducation de l’Université de Montréal. Autrice d'« Appelées aux ministères ordonnés » (Novalis, 2007) et coautrice de « L’ordination des femmes » (Médiaspaul, 2011), elle a à son actif plusieurs articles.
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Une réponse à Soeur Christine Vladimiroff, osb, une femme qui a défendu ses convictions face au Vatican

  1. Gisèle Turcot dit :

    J’ai lu avec bonheur cet hommage à Soeur Catherine, osb, Elle le mérite largement. Nous avons retenu d’elle son effort de dialogue avec les autorités romaines; il en ressort une intelligence profonde de son rôle dans une communauté religieuse,et plus largement, dans l’Église de post Vatican II. Son engagement social nous révèle aussi les convictions profondes qui l’animaient pour qu’advienne une réelle justice pour tous les humains. Merci Pauline.

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