Un appel à servir

Sylvie CarrierJ’ai 45 ans et je suis coordonnatrice de la pastorale d’ensemble de mon diocèse depuis bientôt 2 ans. À vrai dire, je n’aspirais pas à ce poste traditionnellement exercé par un prêtre. Je n’ai pas posé ma candidature. L’évêque, Mgr Raymond St-Gelais, m’a appelée avec vigueur. Il désirait ardemment que j’accepte ce poste-clé qui consiste à coordonner le déploiement du projet diocésain d’évangélisation par l’équipe des services diocésains et en concertation avec les prêtres, les agents et agentes de pastorale laïques et les diacres. Ma tâche concerne aussi la supervision du personnel des services diocésains de pastorale et celui de l’animation des zones pastorales. En lien avec l’évêque et le vicaire général, je vois aussi à la mise en oeuvre du projet quinquennal en vue de la formation de nouvelles paroisses.

Je travaille en Église depuis l’âge de 22 ans. J’ai d’abord été agente de pastorale dans ma paroisse natale pendant 6 ans. Après une expérience douloureuse, suite à l’arrivée d’un nouveau curé, je me suis retirée de la pastorale. J’ai complété des études de baccalauréat en théologie. En 1993, j’arrivais aux services diocésains de mon diocèse où j’ai occupé diverses fonctions pastorales et j’ai complété une maîtrise en théologie.

L’appel de Mgr St-Gelais, à coordonner la pastorale d’ensemble, me bouscule. Au départ, une pensée monte en moi : « Pourquoi moi? Seigneur éloigne de moi cette coupe. J’ai d’autres projets qui me stimulent et m’appellent… » Dès lors, j’ai demandé un temps pour discerner. Je me suis retirée en silence pendant quelques jours. La Parole de Dieu m’a accompagnée. En entrant en discernement, j’ai demandé la grâce que mon non soit un vrai non ou que mon oui soit un vrai oui. Je voulais faire un choix en toute liberté. Cependant, je ressentais de l’angoisse qui émergeait de mes doutes et de mes peurs. Avais-je la capacité à relever un tel défi? La tâche me semblait très imposante.

Au cœur de la tourmente, j’ai pris le temps de me déposer devant le Seigneur. J’ai médité un passage de l’évangile du jour en Jean : « Maintenant, je suis bouleversé. Que puis-je dire? Dirai-je : « Père délivre-moi de cette heure? » Mais non! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci! Père, glorifie ton nom! » Cette parole de Jésus a résonné en moi. Cet appel que je reçois, c’est pour glorifier le nom du Père pour que toute personne puisse accueillir le désir de bonheur de Dieu au cœur de sa vie. J’ai alors touché à mon désir profond : m’engager joyeusement dans la mission pour la gloire de Dieu! J’ai eu une nuit reposante. J’étais en paix.

Le lendemain, au moment de l’eucharistie, j’ai été rejointe par une parole du Livre de Daniel. Le collège des Anciens dit au jeune Daniel : « Viens siéger au milieu de nous car Dieu a déjà fait de toi un Ancien. » À la sortie, la responsable du centre de prières où je me trouvais et qui savait que je vivais un discernement m’a lancé : « Sylvie, Dieu a déjà fait de toi un Ancien! On te reconnaît et t’appelle à servir dans un lieu important! » J’ai été remuée. J’ai compris que cet appel m’était adressé parce qu’on me reconnaissait capable d’y répondre. La prière d’Élizabeth de la Trinité m’a aussi accompagnée :

« Pacifiez mon âme Seigneur et faites-en votre ciel,
votre demeure aimée et le lieu de votre repos…
Je veux passer ma vie à écouter, je veux me faire tout enseignable,
Afin d’apprendre tout de vous.
Puis à travers toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances,
Je veux vous fixer toujours et demeurer sous votre lumière…
Pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnement. »

Par cette prière, je me suis sentie appelée à demeurer dans le Christ et à laisser le Christ habiter mon être. Une fois de plus, j’ai été pacifiée.

Mon discernement m’a amenée à réfléchir sur divers éléments (coordination de la pastorale diocésaine, animation de l’équipe des services diocésains, le service diocésain des ministères, ma réalité familiale et l’équilibre de vie). Je me suis située devant chacun. J’ai identifié mes motivations profondes à coordonner la pastorale diocésaine. J’ai reconnu clairement deux mouvements intérieurs. Quand je me situe dans mon cœur profond et que j’entends l’appel de l’Esprit à servir à la coordination, je me sens en paix et confiante malgré les obstacles. Quand je me situe à partir de mes peurs et mes insécurités, je deviens inquiète. J’ai peur et je doute de mes capacités. Au cœur de ces tribulations, j’ai entendu l’appel intérieur à retourner à l’expérience vocationnelle de Jérémie. Son expérience est fondatrice de mon nouveau départ à servir dans l’Église, suite à l’épreuve vécue dans ma paroisse natale. Le Seigneur dit à Jérémie « Ne dis pas je suis un enfant! Car vers tout ceux vers qui je t’enverrai, tu iras, et tout ce que je t’ordonnerai, tu le diras. N’aie aucune crainte en leur présence car je suis avec toi pour te délivrer… »

J’ai poursuivi ensuite mon discernement avec mon conjoint et mon fils. J’ai rencontré mon accompagnateur spirituel. Finalement, j’ai accepté de répondre à l’appel de servir l’Église de Nicolet dans le rôle de la coordination de la pastorale d’ensemble. Au terme de ce discernement, je veux travailler à insuffler le feu ardent qui m’habite et donner forme à une Église du Christ Peuple de Dieu (coresponsable) qui se fait proche de toute personne pour révéler l’amour gratuit du Père.

Suite à l’annonce de ma nomination, j’ai reçu plusieurs messages d’appui qui venaient confirmer ma décision. Un prêtre retraité m’a confié qu’en apprenant la nouvelle de ma nomination il s’était senti rassuré. Par toutes ces personnes, l’Esprit est venu me dire :« Avance dans la confiance! »

Milieu autrefois exclusivement masculin, j’évolue dans l’Église comme femme, épouse, mère et laïque en partenariat avec d’autres intervenantes et intervenants en pastorale clercs et laïques. Dès les premiers mois de mon engagement, j’ai demandé à l’évêque de me donner un outil concret qui me permettrait de m’approprier mon rôle de coordonnatrice. J’ai fait appel à un coach professionnel. Ce n’est pas une pratique courante en Église mais le coaching m’est indispensable pour jouer mon rôle.

Après bientôt deux ans, je poursuis ma mission et ce service, en coresponsabilité avec l’évêque, le vicaire général, le procureur et le chancelier, me stimule. De plus, je vis de la joie à travailler avec l’équipe des services diocésains qui compte une quinzaine de personnes dont neuf femmes. Ensemble, nous accompagnons les baptisés et les communautés chrétiennes du diocèse dans l’aventure d’annoncer l’Évangile dans le monde actuel.

Ma démarche de discernement constitue un fondement de mon service à la coordination pastorale. Dans les moments difficiles, j’y reviens. Je retourne aux paroles bibliques qui m’ont accompagnée et à la prière d’Élizabeth de la Trinité. À chaque fois, je me fonde à nouveau dans la confiance en Celui qui m’appelle à servir son Église humblement avec mes forces et mes limites. Dès lors, je retrouve la vigueur de l’Esprit qui abreuve mon être de disciple et m’appelle à servir.

Sylvie Carrier
coordonnatrice de la pastorale d’ensemble
Diocèse de Nicolet
Juin 2008



Texte publié dans la revue Échanges, revue de l’Association des Amis de Charles de Foucauld, septembre 2008, Vol. 2, no 8, p. 18-19.

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