Appelées aux ministères ordonnés – recension

AppeléesFEMMES PRÊTRES:
Une recension du livre de Pauline Jacob
Appelées aux ministères ordonnés
Ottawa, Novalis, 2007, 254 p.
par  Élisabeth J. Lacelle 

Nous disposons de peu de livres en français sur la question de l’ordination des femmes dans l’Église catholique romaine, encore moins de livres accessibles au grand public.

Celui-ci, bien que le fruit d’une thèse doctorale, répond à l’attente. Son point de départ et son approche en font l’originalité: les récits vocationnels de quinze femmes qui aspirent au ministère presbytéral et leur exposition à une analyse du discernement vocationnel en continuité avec la Tradition, sinon les traditions, de l’Église. Le critère de l’identité sexuelle qui, seul, explique leur exclusion de ce ministère sacramentel en ressort de manière encore plus troublante, autant sur le plan théologique que pastoral.

L’auteure procède d’abord en établissant, à partir de leurs récits, l’appel aux ministères ordonnés que vivent ces baptisées (chap. 1) – des agentes de pastorale, âgées de 32 à 69 ans, provenant de six diocèses de l’Église du Québec. En plus de l’appel intérieur qu’elles discernent, leurs convictions d’être appelées à l’ordination se trouvent confirmées par leurs proches et leurs communautés.

L’expérience ministérielle de ces femmes s’inscrit dans le contexte socioculturel et ecclésial des dernières décennies au Québec (chap. 2). L’auteure s’arrête à des événements et courants de pensée: la conscience féministe et la pratique de l’égalité entre les hommes et les femmes dans notre culture; le cheminement et l’accession de femmes à la prêtrise dans l’Église anglicane du Canada; l’affirmation de groupes et d’associations en faveur de cette ordination; l’ordination de baptisées, par des évêques catholiques, dans des Églises locales en manque de ministres (comme ce fut le cas en Tchécoslovaquie au cours des années 1970 et comme ce l’est, depuis 2002, pour une cinquantaine de femmes catholiques romaines en Europe, aux États-Unis et au Canada).

Ces appels de baptisées aux ministères ordonnés rencontrent-ils les fondements théologiques du discernement vocationnel dans l’Église (chap. 3)? L’auteure dégage de nombreux points de convergence en ce qui concerne l’appel intérieur et les dispositions personnelles. Là où se situe la différence, c’est par rapport à l’appel extérieur: la validation de la vocation par l’Église officielle, c’est-à-dire le clergé. « L’institution ecclésiale ne s’autorise à évaluer et à confirmer que des appels d’hommes » (p. 175). L’évêque local n’examine que les demandes des candidats (ce que faisaient aussi les  évêques anglicans jusqu’au jour où le Primat de cette Église au Canada, le regretté E. W. Scott, ne s’est plus cru autorisé devant Dieu à refuser d’examiner la demande d’une baptisée). Or, l’Église ancienne accordait à la communauté et à l’évêque (en tant que pasteur de cette dernière) une préséance pour la réception et la confirmation des vocations – préséance que les femmes de ces récits vocationnels espèrent voir rétablir.

Avec l’émergence de leur vocation et leur façon de la vivre et de la penser, ces baptisées apportent aussi des éléments de réinterprétation des ministères ordonnés (chap. 4) – entre autres sur la façon de rassembler et de présider la communauté. Elles apportent également un approfondissement du discernement ministériel, notamment du concept de « réception » (p. 232-241).

Comme l’écrit l’auteure, « à l’aube du XXe siècle, l’éventualité d’une femme prêtre dans l’Église catholique semblait hors de l’entendement ». Aujourd’hui, et malgré les interdits d’autorité, un germe vocationnel mûrit de l’intérieur de l’engagement pastoral de baptisées. Celles-ci prêtent foi à l’Esprit de qui elles croient le recevoir. «Lorsque j’anime une liturgie de la Parole, je me sens présidente de l’assemblée comme prêtre. Et ça, je le porte en moi depuis toujours» (p.55-56). «Dans mon for intérieur, je me sens pasteure.
Prêtre, je le suis […] sans pourtant la reconnaissance et la liberté que cette reconnaissance pourrait apporter dans un plus-agir » (p. 175).

L’Église catholique romaine est «en gestation»: elle a encore à advenir en tant que Corps du Christ et Peuple de Dieu, cohumanité de la femme et de l’homme nouveaux à l’image de Dieu en Jésus Christ. Pour être véritablement « sacrement du salut» dans l’histoire, elle doit advenir aussi à une gouvernance ecclésiale et à un ministère de la Parole et de l’eucharistie « à deux voix ».

Ce livre est une contribution appréciable à l’annonce et à l’avènement d’une telle Église.

Élisabeth J. Lacelle

Publié dans la revue Relations de juillet-août 2008 et reproduit avec les permissions requises.

Élisabeth J. Lacelle

A propos Élisabeth J. Lacelle

Détentrice d'un doctorat ès sciences religieuses de l'Université de Strasbourg, professeure émérite de l’Université d’Ottawa, Élisabeth Jeannine Lacelle (1930-2016), théologienne, a été consultante à la Conférence des évêques catholiques du Canada (1971 à 1984) et alors nommée présidente du Comité « ad hoc » sur le rôle de la femme dans l’Église (1982 à 1984). Cofondatrice du réseau Femmes et Ministères, elle fut une personne ressource pour la question des femmes et du christianisme.
Ce contenu a été publié dans L'ordination des femmes, Recensions. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.