L’ordination des femmes dans l’Église anglicane

Bonjour, mesdames et messieurs. Merci beaucoup pour cette belle invitation; c’est un grand honneur pour moi d’être ici avec vous. Merci beaucoup aussi à Marie-Andrée Roy, Monique Dumais (quel plaisir de les voir ici!), Marie Gratton, Yvonne Bergeron, Lettie James, Ruth Matthews, Heather Thomson et Joanne Brousseau qui m’ont si généreusement aidée dans mon travail doctoral.

Malgré le fait que Rome ait décrété qu’il n’y aurait jamais d’ordination de femmes et qu’il soit interdit de débattre cette question, j’admire qu’au Québec et ailleurs, on organise encore des colloques pour en discuter et pour faire avancer la cause.

De tout coeur, je vous souhaite toutes les bénédictions du Bon Dieu, de la Bonne Dieue sur cette belle voie audacieuse et difficile.

J’ai été invitée ici comme représentante de l’Église anglicane du Canada qui va célébrer le 30 novembre, le 21e anniversaire de ma propre ordination. Je n’étais pas parmi les premières, mais j’ai consacré plusieurs années de ma vie à la rédaction de ma thèse doctorale qui porte entre autres sur les trois premières femmes de la province de Québec ordonnées dans l’Église anglicane. Pendant ces 21 dernières années, j’ai souvent été invitée à parler dans les milieux catholiques parce que je suis prêtre. Qu’importe l’endroit où je me trouve, les gens de l’Église catholique du Québec semblent très ouverts à l’accession des femmes au sacerdoce. À plusieurs occasions, lors de mariages ou de funérailles, j’ai assisté des prêtres catholiques à la messe; j’ai toujours été traitée en égale. En parlant aux prêtres d’ici au sujet de l’ordination des femmes, je trouve qu’ils sont très ouverts à l’idée.

Le fait d’être prêtre est une question de vocation, d’éducation et de préparation. Je me rappelle exactement le jour et l’endroit où j’ai eu pour la première fois le sentiment d’être appelée, de recevoir une tape sur l’épaule, d’avoir la vision que ma vie allait changer complètement de direction. Cela n’était pas du tout ce que je prévoyais pour l’avenir. Mais comme un prêtre m’a dit : « Si Dieu te veut, il va t’avoir ».

L’évêque qui m’a ordonnée n’avait pas toujours été en faveur de l’ordination des femmes. Je lui ai demandé comment et pourquoi il avait changé d’opinion. Il m’a dit qu’il a changé à cause de plusieurs femmes très crédibles qui l’ont regardé dans les yeux et lui ont dit qu’elles avaient une vocation à la prêtrise.

Je sais bien qu’il y a des femmes dans l’Église catholique qui ressentent un appel au sacerdoce. Cela doit être très difficile dans une Église où il est même interdit de discuter de la question de ressentir un tel appel. À mon avis, l’ordination des femmes dans l’Église catholique sera un jour acceptée, mais ce n’est pas pour demain. Quand une femme intéressée au sacerdoce me demande ce qu’elle peut faire, je lui suggère de s’inscrire dans une faculté de théologie. Les femmes peuvent commencer tout de suite leur formation théologique afin d’être prêtes quand l’idée sera acceptée.

C’est ce qui est arrivé en Angleterre. Je viens de Montréal, mais j’ai habité 12 ans en Angleterre. J’étais là, en 1974, quand le Synode général a dit NON à l’ordination des femmes.

Vingt ans plus tard, le 22 février 1994, le Synode général a dit OUI à l’ordination des femmes. Les premières ordinations ont eu lieu le 12 mars 1994 et les premières femmes ont célébré la messe le 13 mars, le jour de la fête des mères en Angleterre. Chose étonnante, c’est que 1200 femmes ont été ordonnées pendant les premiers mois après le vote, 1200 femmes qui, en face du NON, ont fait leur formation théologique et pastorale. Elles étaient prêtes lorsque le moment est arrivé.

La même chose s’est produite dans la province de Québec, il y a 30 ans, avec les premières femmes prêtres : face au NON, mais bien équipées d’un fort sens de la vocation, elles ont fait leur formation.

J’ai l’impression qu’il n’y a pas beaucoup de jeunes hommes qui deviennent prêtres dans l’Église catholique du Québec. Imaginez-vous si demain, il y avait 1200 nouvelles femmes prêtres dans l’Église catholique au Québec…

Un autre élément a été important pour changer le vote du Synode en Angleterre; ce sont les groupes de pression. Les groupes se sont formés dans le seul but d’obtenir le droit à l’ordination des femmes dans l’Église anglicane. Après le vote négatif, deux groupes se sont formés, un par des laïcs et un autre par les prêtres sympathiques à l‘idée. Le premier s’appelait « Mouvement pour l’ordination des femmes » [MOW] et l’autre : « Prêtres pour l’ordination des femmes » [POW]. Malheureusement, il y avait aussi un troisième groupe : «Femmes contre l’ordination des femmes » [WAOW]. Les deux premiers groupes ont fait avec succès tout ce que font les groupes efficaces : des réunions, des marches, des démonstrations, des lettres. Après le vote positif, ils se sont démantelés. Je trouve que les catholiques du Québec sont progressistes et déterminées. Je suis convaincue qu’elles peuvent atteindre l’objectif d’égalité dans l’Église.

Pour devenir une femme prêtre, il faut un évêque prêt à ordonner des femmes. Avant les années 70, dans l’Église anglicane, ce n’était pas permis d’ordonner des femmes. Malgré cette interdiction, une première femme a été ordonnée à Hong Kong le 25 janvier 1944. Il s’agit de la révérende Florence Tim Oi Li. Elle a été ordonnée par l’évêque Ronald Hall à cause d’un grand besoin : il n’y avait pas d’hommes prêtres. Elle était diacre, elle avait sa formation théologique et elle avait une permission spéciale de célébrer des messes parce qu’il n’y avait personne d’autre. Ronald Hall pensait que ce serait mieux si elle avait vraiment le titre de prêtre et il a osé suivre ses convictions. Ensuite, il y a eu les 11 femmes ordonnées à Philadelphie…

Plusieurs années plus tard, dans le diocèse de Québec de l’Église anglicane, on a eu un évêque d’une même trempe. Il s’appelait Bishop Timothy Matthews. Il savait qu’un jour, il y aurait des femmes prêtres dans l’Église anglicane. Alors, il a recommandé à deux femmes, Heather Thomson et Ruth Matthews, de faire leurs études pour devenir prêtres. Elles deviendront les deux premières femmes ordonnées prêtres au Québec à avoir été ordonnées au Québec. Lors de leur ordination, il s’attendait à des protestations mais il n’y en a pas eu. À Montréal, quand la première femme a été ordonnée, Dr Lettie James, il y a eu des protestations, mais l’évêque a dit aux protestataires de s’asseoir ou de quitter l’église.

Présentement, dans l’Église anglicane, il y a 39 prêtres actifs; 15 sont des femmes. En l’an 2000, j’ai fait la connaissance d’une femme catholique ayant une vocation pour le sacerdoce. Cela faisait cinq ans qu’elle avait cette vocation. Elle est retournée à l’université pour compléter des études en théologie. Elle a parlé à plusieurs personnes de sa vocation, des laïcs et des prêtres. Finalement, des membres du clergé catholique lui ont recommandé de contacter l’Église anglicane. Elle est venue me voir et j’étais tellement convaincue de sa vocation et de sa crédibilité que j’ai téléphoné à mon évêque alors même qu’elle était toujours dans mon bureau. Il a pris un rendez-vous avec elle. Elle a été ordonnée au printemps 2005 à Thetford Mines où elle est maintenant curée. Ce n’est pas la réponse que vous cherchez ici, mais c’est une réponse.

Il y a eu des femmes catholiques ordonnées en Allemagne, d’autres sur le fleuve St-Laurent. Vous avez des femmes ordonnées…

Je termine avec la bénédiction de l’Évêque Timothy Matthews. Vous pouvez la recevoir comme une bénédiction ou comme une belle philosophie.

MAY HE WHO WALKS ON WOUNDED FEET,
WALK WITH YOU TO THE END OF THE ROAD.
MAY HE WHO SERVES WITH WOUNDED HANDS,
HELP YOU TO SERVE EACH OTHER.
MAY HE WHO LOVES WITH A WOUNDED HEART,
BE YOUR LOVE ALWAYS.
BLESS GOD WHEREVER YOU ARE,
AND MAY YOU SEE THE FACE OF THE LORD JESUS
IN EVERYONE YOU MEET. AMEN

Et en français:

QUE CELUI QUI MARCHE SUR DES PIEDS BLESSÉS,
MARCHE AVEC VOUS JUSQU’A LA FIN DE LA ROUTE.
QUE CELUI QUI SERT AVEC DES MAINS BLESSÉES,
VOUS AIDE A SERVIR LES AUTRES.
QUE CELUI QUI AIME AVEC UN COEUR BLESSÉ
SOIT VOTRE AMOUR POUR TOUJOURS.
BÉNISSEZ DIEU OÙ QUE VOUS SOYEZ,
ET PUISSIEZ-VOUS VOIR LE VISAGE DE NOTRE SEIGNEUR JÉSUS CHRIST,
DANS LE VISAGE DE TOUS CEUX ET CELLES QUE VOUS RENCONTREZ.

Montréal, octobre 2006

Texte d’une conférence présenté lors du colloque L’accès des femmes aux ministères ordonnés dans l’Église catholique : une question réglée organisé en octobre 2006 par le Centre justice et foi en partenariat avec le Centre St-Pierre, la collective L’autre Parole et le réseau Femmes et Ministères.

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